Ils sont frère et soeur et pourtant, rien ne les rapproche, si ce n'est leur enfance commune. Alain et Agnès Soral ne se parlent plus depuis près de dix ans, depuis qu'il est devenu une "figure" de l'idéologie d'extrême-droite. L'actrice révélée par Un moment d'égarement en 1977 publie un livre, Frangin, pour mettre des mots sur sa souffrance, celle d'avoir un frère qui a sali leur nom de famille, mais aussi pour tenter de comprendre - jamais excuser - son cheminement vers une pensée haineuse. Son portrait dans Libération éclaire un peu plus cette histoire de famille très particulière...
Ils ont moins de deux ans de différence, Alain est l'aîné, Agnès est la petite soeur. Ils sont trois enfants, élevés par un père tyrannique qui leur fait subir des punitions corporelles. Elles prennent fin lors que le fils aîné prend la défense de sa soeur, ou alors quand c'est elle qui s'attaque physiquement au géniteur violent. Dans le magazine Elle, Agnès Soral expliquait que leur père les humiliait, particulièrement son frère. Lui-même était violent avec sa petite soeur, qu'il a tenté d'étouffer, noyer, sadiser... De quoi traumatiser un enfant. Si elle a pu grandir en ne rejoingnant pas le modèle des enfants qui reproduisent les souffrances dont ils ont été victimes, elle estime que son frère est "devenu ce père qu'[ils ont] subi".
Pour s'en sortir, elle, Agnès Soral, est passée par différents processus : "Elle a commencé la narco-analyse, elle s'est fait injecter un sérum de vérité, pratique tout à fait déconseillée sauf en salles de tortures. Elle est passée par Lacan, Jung, l'école de Palo Alto, sans oublier l'hypnose. Elle a tenté aussi le rebirth, réinvention des traumatismes en couche-culotte." Aujourd'hui, elle est comédienne de théâtre et de télévision, écolo et humaniste convaincue, maman de deux grandes filles.
Pour Agnès Soral, il n'y avait pas d'indice annonciateur d'antisémitisme durant l'enfance dans la démarche extrême d'Alain Soral. Son diagnostic penche plutôt pour la jalousie - de la réussite précoce de sa soeur par exemple ou pour toute personne qui réussissait mieux que lui : "Il a raté le coche souvent. Il n'est pas devenu l'artiste qu'il aurait pu être. Mais il préfère être le premier chez lui que le second ailleurs." Sa recherche de reconnaissance l'a poussé à aller toujours plus loin. Ainsi, lors de leur jeunesse alors qu'Agnès et Alain sont si complices, ils s'introduisent dans une secte et ils découvrent que le maître des lieux échange beaux discours contre faveurs sexuelles : "Elle imagine que son frère s'est inspiré de cet épisode pour ancrer son influence sur ses fidèles d'Egalité et Réconciliation, son mouvement qui est aussi un petit commerce."
La conclusion de cette analyse d'Alain Soral à travers le portrait de sa soeur fait réfléchir. Elle qui défend une stricte liberté d'expression estime que si "on ne les avait pas interdits de télé, lui comme Dieudonné seraient déjà passés à autre chose".
Frangin, d'Agnès Soral aux éditions Michel Lafon.