Au crépuscule d'un mois qui s'est avéré particulièrement chargé, le prince Albert II de Monaco était bien matinal en ce mercredi 31 janvier 2018, invité exceptionnel de Cyril Viguier en direct sur la chaîne Public Sénat dans le Journal des Territoires (7h30-8h). "Monseigneur, vous êtes à la fois très connu, mais aussi rare dans vos apparitions à la télévision, merci d'être avec nous ce matin, de bon matin et en direct", a souligné d'emblée le journaliste à propos de cet invité qu'il connaît bien pour s'être par le passé plongé dans Les coulisses du Rocher en 2013 pour France Télévisions et avoir étudié le Monaco Lifestyle en 2017 pour TV5 Monde.
De fait, Cyril Viguier a une idée assez précise de ce qu'il en coûte d'être prince régnant ; aussi n'hésite-t-il pas à aborder de front, alors que le prince Albert se prépare à fêter au mois de mars son 60e anniversaire (qui fera l'objet d'une double célébration, avec celle des 40 ans de son épouse la princesse Charlene), des sujets aussi sensibles que "la lassitude" que pourraient engendrer les exigences de sa fonction (pas moins de 400 événements officiels en 2017) ou la pipolisation de la famille Grimaldi, à laquelle sont exposés ses propres enfants de 3 ans, le prince Jacques et la princesse Gabriella. "Cela dépend aussi de la fréquence des obligations, mais bien sûr qu'il peut y avoir une certaine lassitude", commence par admettre le prince Albert, qui a notamment cumulé en janvier cérémonies de voeux, célébration de la Sainte-Dévote, présentation des quatre athlètes monégasques engagés dans les Jeux olympiques de Pyeongchang, soutien (avec, pour la première fois, ses jumeaux) au Festival International du Cirque auquel préside sa soeur la princesse Stéphanie ou encore lancement du Pacte national pour la transition énergétique. "Mais, poursuit-il dans cet entretien réalisé en partenariat avec Nice-Matin et Azur TV à voir dans notre player et sur Public Sénat, il y a tellement de sujets, une telle variété de préoccupations et de projets que j'ai envie de voir aboutir que, en fait, je ne me lasse jamais. Physiquement, quelquefois, oui (rires)."
Si je vois que je n'y arrive plus...
Avec beaucoup de pertinence, son interlocuteur pousse alors le questionnement plus avant, jusqu'à un point sensible : le prince Albert II de Monaco serait-il enclin à abdiquer et à transmettre le pouvoir de son vivant ? Questionnement légitime, qui suscite des attitudes divisées dans le monde des monarchies : si la reine Elizabeth II ou le roi Carl XVI Gustaf de Suède ont le désir de régner jusqu'à leur mort, le roi Juan Carlos Ier des Pays-Bas ou la princesse Beatrix des Pays-Bas ont tous deux choisi de passer le relais à leur héritier ; et l'empereur Akihito du Japon, évoquant ouvertement son déclin physique, a obtenu du gouvernement la révision du système de succession pour pouvoir abdiquer (le 30 avril 2019). "Je pense que tout le monde comprendra si je vois que je n'arrive plus, estime le prince Albert, devenu prince régnant en 2005 suite au décès de son père le prince Rainier III. Dieu me prête vie, si j'ai une longue vie, il y aura fatalement un moment... [Passer la main], ça n'est pas inenvisageable. C'est prévu sans être prévu dans les règles et dans les lois, mais je pense que de nos jours, vu l'augmentation de l'espérance de vie, il arrive fatalement un moment où on a du mal à exercer ces fonctions-là. Et donc, ce n'est pas inenvisageable de considérer cela."
Amener Jacques et Gabriella vers le public petit à petit
Depuis le 10 décembre 2014, le prince Albert II de Monaco a un héritier, le prince héréditaire Jacques, marquis des Baux, certes encore un peu jeune pour se frotter à l'apprentissage de sa fonction future. Face à Cyril Viguier, son père commente les attentes et la pression médiatique qui l'entourent, ainsi que sa soeur la princesse Gabriella : "On en parle assez souvent avec la princesse Charlene, mon épouse [laquelle publie occasionnellement sur Instagram des photos personnelles des jumeaux, NDLR], répond l'intéressé. Nous allons veiller à ce qu'il n'y ait pas cette surexposition. On essaye de les associer petit à petit, même s'ils sont encore très, très jeunes, à différentes manifestations. Tout le monde a pu les voir il y a quelques jours aux festivités de la Sainte-Dévote. Il faut faire ça avec parcimonie, les amener petit à petit vers le public, qu'ils soient à l'aise avec plusieurs personnes. Je ne suis pas inquiet, il va falloir bien sûr les protéger et il va falloir bien sûr qu'ils aient une bonne éducation, en premier lieu à Monaco, mais aussi en étant exposés petit à petit à plusieurs événements publics, pour qu'ils ne soient plus surpris quand ils seront en âge de prendre certaines responsabilités."
Directeur général de TV5 Monde, Yves Bigot s'interroge et l'interroge alors, partageant sa crainte que le fait que le monde "connaisse tout de [sa] vie et de [sa] famille" puisse polluer et masquer les actions fortes qu'il entreprend et mène - pour l'environnement, pour la francophonie, etc. "Ecoutez, réplique avec aplomb le souverain monégasque, la pipolisation, ce n'est pas nous qui l'avons suggérée ou imposée. Cela s'est fait par différents médias au cours de ma vie et de l'existence de mes parents. Alors même si on présente des projets très sérieux et qu'on appuie des initiatives louables, s'il y a une dérive vers la pipolisation, ce n'est pas notre intention au départ." Mais il n'a pas manqué pour autant de faire valoir que la "fusion entre le prince, sa famille et les Monégasques" est historiquement le ciment du Rocher.
Parmi les grands projets dont le prince Albert espère, avec de la patience, que le sérieux sera mis en avant, figure l'ambitieuse extension de la principauté sur la mer, avec l'émergence à partir de 2021 d'un écoquartier qui devrait être finalisé en 2025. Un sujet sur lequel ce champion de l'environnement s'est exprimé en détails. Il a également répondu avec fermeté à une question qui fâche : "Monaco ne répond plus depuis très longtemps à la définition d'un paradis fiscal."
A la fin de son intervention dans le Journal des territoires, le prince Albert de Monaco croisait son "voisin" le maire de Nice Christian Estrosi, invité de la suite de la matinale dans Territoires d'infos.