La nouvelle vient de tomber sur le site du Point dans un article signé par Emmanuel Berretta : la Cour d'appel de Paris a infirmé la condamnation de la société d'Alexia Laroche-Joubert, ALJ, pour parasitisme et concurrence déloyale contre Endemol, son ancien employeur. Elle échappe ainsi à la lourde amende d'un million d'euros.
Le mardi 19 avril, le premier président de la cour d'appel avait débouté la société ALJ Productions de sa demande en référé de surseoir au paiement à la société Endemol Productions de la somme de 900 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice résultant des actes de concurrence déloyale commis à son encontre, et la somme de 100 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile. A cela s'ajoutait l'interdiction à la société ALJ Productions d'exploiter l'émission Dilemme ou tout autre programme identique ou similaire qui concurrencerait déloyalement les programmes de la société Endemol Productions.
Le litige était né à la suite de la diffusion de l'émission de télé-réalité Dilemme sur W9. Le 11 mars, le tribunal de commerce donnait raison à Endemol, qui avait assigné Alexia Laroche-Joubert pour concurrence déloyale et parasitisme. La raison de la colère du puissant groupe de production n'est autre que l'émission Dilemme (diffusée au printemps 2010 à l'antenne de W9), produite par ALJ Prod, filiale de Banijay (groupe dirigé par l'ancien patron d'Endemol, Stéphane Courbit). Suite à cette décision de justice, la productrice Alexia Laroche-Joubert avait alors naturellement fait appel. Elle avait demandé une date à jour fixe, ce qui veut dire... assez rapide, afin de se faire entendre sur ce qui est, selon elle, "contraire aux droits de la concurrence". Endemol estimait que ce concept était un copier-coller de Secret Story ou Loft Story relevant du parasitisme. Suite à cette décision de la cour d'appel, Endemol annonce se pourvoir en cassation.
La société Endemol a donc perdu la deuxième manche de ce combat contre celle qu'elle accuse d'avoir "créé une confusion dans l'esprit du public" avec Dilemme, un programme de télé-réalité considéré comme une "imitation fautive" d'émissions d'enfermement comme Secret Story. Un acte de "concurrence déloyale" considéré comme d'autant plus agaçant pour le groupe Endemol qu'Alexia Laroche-Joubert est l'ancien maillon fort de ce dernier et a contribué très largement aux succès des principales émissions de télé-réalité d'Endemol (de Loft Story à Secret Story en passant par Star Academy).
Mais en appel, les juges ont écarté les arguments retenus par le tribunal de commerce. "Le simple fait de copier la prestation d'autrui n'est nullement fautif dès lors qu'il s'agit d'éléments usuels communs à toute une profession ou à tout un secteur d'activité et pour lesquels il n'est pas justifié de droits de propriété intellectuelle", peut-on lire dans l'arrêt que Le Point s'est procuré.
Notant qu'Alexia Laroche-Joubert a été l'un des piliers d'Endemol notamment dans sa découverte de la télé-réalité, la Cour d'appel considère malgré tout que son savoir-faire lui est propre,. Au nom de la liberté du commerce, elle avait ainsi le droit de fonder sa société et d'exercer une activité concurrente à celle de son ancien employeur. "Les anciens salariés sont libres d'utiliser dans leurs nouvelles fonctions le savoir-faire, l'expérience et les connaissances acquises par eux au sein de leur ancienne entreprise dès qu'ils ne commettent aucun détournement de secret de fabrication", a ainsi noté la Cour d'appel.
Les programmes de télé-réalité d'enfermement comme Secret Story ou Loft Story ne nécessitent donc aucun secret de fabrique particulier qui serait l'exclusivité d'Endemol. La notion d'enfermement ou encore d'observation des candidats en permanence et de les soumettre à différentes activités ou encore de les éliminer... Tous ces procédés n'appartiennent à aucune société de production en particulier.
Quant au fait qu'Endemol reprochait aussi à Dilemme d'avoir sélectionné des candidats selon une typologie physique et psychologique empruntée à des émissions déjà existantes telles que Secret Story et Loft Story, les juges d'appel estiment que les similitudes ne sont pas suffisantes pour constituer une concurrence déloyale. La cour dresse d'ailleurs une liste assez amusante de cette typologie mise en avant par Endemol, comme le détaille le site lepoint.fr : "le candidat musclé et tatoué dans le dos, la candidate blonde avec son petit chien, la candidate blonde pulpeuse, la candidate brune aux cheveux longs, le candidat mince, élancé, stratège dans l'émission, le candidat très sportif, le candidat excentrique, fan de mode, le candidat séducteur".
Alexia Laroche-Joubert, elle, réclamait 500 000 euros en demandes reconventionnelles. La cour d'appel les lui refuse. En revanche, Endemol doit rembourser à son ancienne employée les sommes obtenues lors du jugement de première instance devant le tribunal de commerce. La cour d'appel ouvre, par ce jugement, la possibilité à tous les producteurs audiovisuels de reproduire les éléments de télé-réalité qui ont fait la fortune d'Endemol dans le monde.
Contactée par la rédaction, Alexia était aux anges suite à cette décision : "David a gagné contre Goliath. Endemol n'a pas le monopole de la télé-réalité."
Chloé Breen