Le 21 août, Ayoub El Khazzani ouvre le feu dans la voiture 12 du Thalys reliant Amsterdam à Paris avant d'être maîtrisé par des passagers, dont trois Américains, depuis décorés de la Légion d'honneur pour avoir permis d'éviter un massacre. Le suspect a été mis en examen dans la nuit de mardi à mercredi pour "tentatives d'assassinats en relation avec une entreprise terroriste" et placé en détention provisoire. Pendant cette attaque se trouvent en voiture 11 Jean-Hugues Anglade, ses deux garçons et sa compagne, Charlotte Leloup, reporter à Paris Match, qui livre dans le nouveau numéro de l'hebdo son récit des événements.
La reporter décrit l'ambiance paisible qui règne dans le train, le personnel aux petits soins pour les passagers. Dans la voiture 11, une dizaine de personnes seulement. Charlotte Leloup se rend à la voiture bar et croise sur son chemin quatre jeunes gens aux bras musclés : "J'ignore encore qu'ils seront nos héros", dit-elle.
Le voyage bascule dans l'horreur.
Alors que dans le train, l'ambiance est au plus calme, les employés du service restauration déboulent tête baissée dans la voiture et vont se réfugier dans la motrice. Une femme hurle alors en anglais que quelqu'un est en train de tirer sur les passagers : "Le voyage bascule dans l'horreur", écrit Charlotte Leloup. Tous les passagers se réfugient à l'extrémité opposée du wagon. Entre les toilettes et le mini-salon collé à la paroi de la motrice arrière, les gens s'entassent : "Je vois Jean-Hugues plaqué à ses enfants pour tenter de faire un bouclier de son corps." À ce moment-là, ils sont bien conscients que le tireur peut arriver à tout moment et les abattre. "Je crois que j'essaie de me résoudre à mourir, raconte Charlotte. Je pense aux enfants. J'espère qu'ils ne vont pas voir des images de boucherie et de sang avant de mourir..." Alors qu'un homme tente de casser la vitre pour tirer le signal d'alarme, Anglade intervient d'un grand coup de poing sur la vitre, qui éclate et le blesse. Il déclenche l'alarme. En se dirigeant au fond de la voiture, Charlotte comprend qu'il y a une porte dans la motrice et qu'elle est fermée de l'intérieur. Elle frappe de toutes ses forces pour qu'on lui ouvre, en vain. C'est alors qu'elle entend un homme dire que le tireur a été maîtrisé.
Je pense aux enfants. J'espère qu'ils ne vont pas voir des images de boucherie et de sang avant de mourir...
Ce n'est pourtant pas du soulagement que ressent la reporter, qui ne pense qu'à sortir du train, lequel roule tout doucement mais ne s'arrête pas. Les portes ne s'ouvrent pas. "Le temps s'est arrêté. Je vois du sang tomber goutte à goutte sur la chaussure de mon compagnon." La pression ne retombe que lorsqu'Anthony Sadler, l'un des héros, vient leur confirmer que le tueur a été maîtrisé. Dans son témoignage, Charlotte Leloup décrit les visages, ceux des passagers, comme une petite fille assise à côté, celui du contrôleur Michel Bruet (lui aussi décoré par François Hollande). Et elle termine son glaçant récit ainsi : "Je n'oublierai jamais le visage de notre agresseur. Fixé pour toujours dans ma mémoire."
Depuis cette tentative d'attentat échouée, Jean-Hugues Anglade a rejoint le festival d'Angoulême, dont il est le président du jury. Un drôle de retour à la normale pour un acteur qui a bien failli perdre la vie avec ses enfants et sa compagne. La star maintient sa version qui accuse des membres du personnel du train d'avoir abandonné les passagers, et s'est vu répondre que son témoignage serait "pris en compte" dans l'enquête interne, selon le communiqué signé par le comédien et sa compagne, ainsi qu'Agnès Ogier, directrice générale de Thalys, et Guillaume Pepy, président de la SNCF.
Le témoignage de l'acteur a suscité de nombreuses réactions et une tribune au vitriol de Jérôme Béglé dans Le Point, qui écrit : "Rappelons qu'Anglade n'a rien vu ni rien entendu, car Ayoub El Khazzani n'a jamais pénétré dans son wagon."
Retrouvez l'intégralité du récit de Charlotte Leloup dans Paris Match, en kiosques le 27 août 2015.