"A quoi ça sert d'acheter un journal quand on peut acheter un journaliste ?" Ces mots sont signés Bernard Tapie, qui, depuis sa tirade prononcée il y a quelques années et rappelée par un journaliste de La Provence, a bien changé sa façon de voir les choses. L'homme d'affaires s'est en effet offert le groupe Hersant Média, auquel appartiennent La Provence, Nice-Matin, Var-Matin et Corse-Matin.
Un retournement de situation surprise, puisque l'ancien boss de l'OM avait retiré son offre il y a une semaine, avant de revenir et de mettre 51 millions d'euros sur la table, soit un de plus que son principal concurrent au rachat, l'éditeur belge Rossel. De cette manière, Bernard Tapie devient propriétaire aux deux tiers du groupe, dont la famille Hersant conserve elle un tiers.
Les 17 banques créancières du groupe, endetté à hauteur de 215 millions d'euros selon le quotidien Libération, s'assoient donc sur un joli pactole de plus de 160 millions d'euros... "Faire un tel abandon de créances, avec les mêmes aux commandes, c'est un précédent pour les banques", confie un acteur du dossier au quotidien. Et même si pour certains, l'offre du Belge était plus solide, c'est bien Bernard Tapie qui a été choisi, par Philippe Hersant lui-même, installé en Suisse où les affaires marchent bien, merci pour lui. Mais surtout, le nouveau boss de la PQR méridionale aurait répondu à la demande de plusieurs acteurs, qui souhaitaient le voir revenir aux affaires dans le Sud, comme le Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri) ou encore le conciliateur Christophe Thévenot, en charge du dossier...
Dans une lettre adressée à ce dernier, il confirme ainsi que c'est "à la demande expresse de Philippe Hersant, du conciliateur Christophe Thévenot et du Ciri" qu'il a formulé une nouvelle offre, proposant donc 1 million d'euros de plus que son concurrent. Mais surtout, Bernard Tapie s'engage à ne pas briguer la mairie de Marseille, alors même que beaucoup voyaient l'acquisition d'Hersant Média comme un moyen de préparer sa future candidature à la tête de la cité phocéenne. "Je me suis engagé à l'égard de Philippe Hersant à ne pas postuler à quelque mandat électoral que ce soit", écrit-il ainsi. Mais Bernard Tapie ne ferme pas pour autant la porte à une fonction élective... "A défaut, un processus de cession de la totalité de mes actions sera organisé", prend-il soin d'ajouter, précisant que le fruit de la vente de ses actions serait reversé "à une association caritative de [son] choix".
Le sulfureux homme d'affaires, de théâtre et de télé, qui n'avait pas hésité à s'en prendre à Bruce Toussaint lorsque ce dernier l'avait interrogé sur une éventuelle maison acquise pour 47 millions d'euros du côté de Saint-Tropez grâce à sa confortable indemnité de 285 millions touchée après l'affaire du Lyonnais, s'offre donc un beau groupe média avec en spectre un accessit à la mairie de Marseille. Même si les politiques locaux restent sceptiques, à l'image du député UMP Guy Tessier, candidat déclaré qui confie à Libé : "Jusque-là, Bernard Tapie a plus été un fossoyeur qu'un redresseur d'entreprises. Je ne suis pas certain que son arrivée soit une bonne nouvelle pour ce titre, surtout s'il se débarrasse des autres, ce qui signerait son intention de venir surtout faire de la politique."
L'heureux propriétaire de l'un des plus beaux yachts du monde revient par la grande porte à Marseille, alors même que des rumeurs de contrôle fiscal le concernant ont émergé ces derniers temps. Sauf que dans une déclaration à l'AFP, Laurent Tapie, fils de, a précisé que c'était lui à titre personnel, et non son père ou son entreprise BLT Développement, qui en était l'objet. "Ce n'est pas un contrôle fiscal de BLT Développement. C'est un contrôle fiscal de Laurent Tapie, a-t-il précisé, démentant ainsi les révélations de Médiapart. Je ne peux pas être plus clair : ce n'est pas la société qui a un contrôle fiscal, mais moi à titre personnel." Une information confirmée par l'avocat de Bernard Tapie qui a ajouté que le problème de ce contrôle fiscal était "la publicité de ce contrôle."
Quant au nouveau boss du groupe Hersant Média, il profitera des quelques jours qui restent avant Noël pour se rendre dans les différentes rédactions du groupe, et rencontrer ainsi ses journalistes, qu'il n'aura finalement pas achetés, au contraire de leurs journaux.