Scandale début octobre quand Bertrand Cantat réapparaît en couverture des Inrockuptibles pour annoncer la sortie de son premier album solo. L'épisode a lieu en même temps que les révélations glaçantes concernant le producteur américain Harvey Weinstein. Ce qui a protégé ce prédateur hollywoodien, c'est d'abord le silence qui s'impose aux victimes et l'omerta : presque tout le monde savait ou avait entendu quelque chose, mais ne disait rien. C'est ce que décrit, autour de la personnalité de Cantat, la dernière enquête du Point publiée ce 30 novembre : ses proches le savaient violent avec les femmes, mais le protégeaient. D'abord à la demande de Kristina Rady, dans le but de protéger leurs enfants, avant que celle-ci ne se suicide par pendaison en janvier 2010.
Outre de nombreux témoignages, dont celui d'un ancien membre de Noir Désir, la pièce maîtresse de nos confrères est un email bouleversant de Kristina. Il est adressé à François Saubadu avec qui elle avait tenté de refaire sa vie après la libération de Cantat. Le couple s'était bien redonné une chance, en vain. Selon Saubadu, qui dit avoir été très amoureux de Kristina, Bertrand Cantat, pourtant recasé, n'a pas supporté leur relation. Un mois après avoir rencontré son nouvel amoureux, Kristina Rady le quitte pour retrouver Cantat. Quatre jours plus tard, elle appelle François à l'aide et cache ses enfants chez une voisine, laquelle témoigne également dans Le Point.
Pour le père de Kristina, elle était terrifiée mais très amoureuse du chanteur, sous son emprise. Elle contacte secrètement $ François Saubadu à qui elle envoie ce mail, le 3 juillet 2009 à 13h : "Je suis à bout de force, Bertrand est tellement jaloux de toi. (...) Il a des coups de colère, il vérifie tout, chaque mot peut faire éclater une dispute (...) Il me harcèle et s'il apprend quoi que ce soit, ce sera la fin de mon histoire ici-bas." Kristina Rady raconte à son amant tous les efforts qu'elle déploie pour ne pas déclencher la colère de Bertrand Cantat. On peut clairement ressentir sa peur quand elle termine ce message par ces mots : "Je t'en supplie, n'appelle pas, l'iPhone a déjà été cassé lundi pour cela. L'autre, comme tu continuais, j'ai dû le cacher, car s'il apprend que tu connais mon numéro, c'est fini pour moi."
S'il apprend que tu connais mon numéro, c'est fini pour moi
Le même jour, elle laisse un message alarmant sur le répondeur de ses parents qui avait été diffusé par M6 et obtenu par les journalistes Stéphane Bouchet et Frédéric Vézard pour leur livre Bertrand Cantat – Marie Trintignant : L'amour à mort. "Hélas, je n'ai pas grand-chose de bon à vous offrir, disait Kristina Rady dans ce message en hongrois. Bertrand l'a empêché et l'a transformé en un vrai cauchemar qu'il appelle amour. Et j'en suis maintenant au point – alors que j'avais du travail pour tout ce mois-ci, ce qu'il ne supporte pas – qu'hier j'ai failli y laisser une dent. (...) Il m'a jeté quelque chose, de telle façon que mon coude est complètement tuméfié et malheureusement un cartilage s'est même cassé, mais ça n'a pas d'importance tant que je pourrai encore en parler." Elle évoque la maltraitance, son désir de s'enfuir avec ses enfants. Elle dit aussi : "Avec Bertrand dans un état aussi grave, on n'arrive pas à réfléchir la tête claire et, de peur, on ose à peine respirer."
Kristina Rady ne reverra plus François Saubadu mais continue d'échanger de nombreux messages avec lui jusqu'à la veille de sa mort. Le 9 janvier 2009, le couple s'envoie des textos jusque tard dans la nuit ; selon Le Point, elle fait référence à un chapitre de Belle du Seigneur où la question de l'amour et du suicide est évoquée par l'écrivain Albert Cohen. Le lendemain matin, Kristina Rady se pend dans sa chambre. Elle est retrouvée par son fils Milo, 12 ans à l'époque. Kristina Rady avait 41 ans et deux enfants de Bertrand Cantat : Milo, né en 1997, et Alice, née en 2002.
L'avocate Yael Mellul a essayé de faire juger Bertrand Cantat pour avoir poussé Kristina Rady au suicide, plus exactement pour "violences volontaires ayant entraîné la mort sans intention de la donner", sans succès. Les parents de la jeune femme se sont mêmes désolidarisés de son action en justice. Ce matin sur CNews, elle expliquait que le chanteur exerçait sur eux un chantage affectif : s'ils suivaient l'avocate, ils ne verraient plus leurs petits-enfants. Dans Le Point, le père de Kristina Rady dit avoir "renoncé à la vérité".
Le Point, en kiosques le 30 novembre.