A flâner au rayon librairie, on aurait pu, bêtement, croire que la coupe était pleine : après une coupe (du monde) vide (de sens), le fameux "fiasco" est devenu le nouveau tonneau des danaïdes des littérateurs du ballon rond. Les Menès (Carton rouge pour les Bleus), Saccomano (Les secrets du fiasco) et autres Larqué (Vert de rage et Les secrets d'un fiasco), pour ne citer qu'eux, se marchent les uns sur les autres en tête de gondole comme des joueurs dans la surface au moment du corner.
Et si chacun de ces désabusés des Bleus a réagi littérairement en moins de temps qu'il en a fallu aux grêvistes de Knysna pour rédiger la lettre d'insurrection, un nouvel ouvrage, qui arrive à contre-temps, pourrait bien pousser au rebut ces pamphlets de salle d'attente. Son titre : L'Implosion. Son auteur : Jean-Pierre Paclet, ancien médecin des Bleus... jusqu'à ce qu'un certain Domenech, qu'il épaulait depuis l'époque Espoirs, s'en sépare (par l'entremise du directeur de la DTN Gérard Houiller). Ne vous fiez pas au visuel de couverture - une photo de l'affrontement, survenu durant le Mondial, entre le préparateur physique Robert Duverne et le capitaine tricolore Patrice Evra -, les confessions et graves mises en cause portées par le témoignage du toubib remontent le temps... jusqu'à évoquer des faits de dopage concernant les Bleus champions du monde en 1998.
A la veille de la publication de l'ouvrage (parution jeudi 26 août aux éditions Michel Lafon, 206 p., 16,90 euros), Le Parisien/Aujourd'hui en France produit en exclusivité un entretien avec l'auteur ainsi que quelques passages forts. Et de promettre : "Dans l'implosion, vous apprendrez pourquoi Ribéry n'aimait pas vraiment Gourcuff lors du dernier Mondial, comment Nasri et Ribéry ont failli en venir aux mains pendant l'Euro 2008, qui étaient les vrais meneurs du boycott de l'entraînement le 20 juin en Afrique du Sud ou encore pourquoi Raymond Domenech a demandé sa compagne en mariage après l'Euro 2008. La vraie raison risque de ne pas plaire à l'intéressée."
Vous l'aurez saisi, le dénominateur commun que ce nouvel ouvrage partage volontiers avec ses prédécesseurs, c'est Raymond Domenech, l'homme qui s'est mis tout une nation à dos. Tandis que son licenciement se joue mercredi à l'occasion d'une rencontre avec la DRH de la Fédération (la FFF, qui aurait constitué un dossier à charge pour justifier un licenciement, aimerait s'en tirer à l'amiable - sans doute moyennant 1,5 à 2 millions d'euros d'indemnités pour celui qui est sous contrat avec la DTN depuis 1993), qui fait suite à la réception d'une lettre de mise à pied, Jean-Pierre Paclet tire à boulets rouges sur son ancien ami et partenaire de longue date : "C'est un manipulateur", assène-t-il.
De 1993 à 2008, Paclet a été le docteur de l'équipe de France Espoirs, puis celui de l'Equipe de France, notamment à l'occasion du Mondial 2006. Après quatre ans au service des "grands Bleus", il avait été débarqué à l'été 2008, supposément en raison de sa gestion mise en cause du cas Vieira et de sa politique de mutisme total concernant l'état physique des joueurs. Le temps des silences est passé, Paclet a dorénavant la langue bien pendue. Extraits de l'entretien accordé au Parisien :
"Là, j'explique comment le football français a fonctionné et continue à fonctionner. Je ne suis pas le premier à briser des tabous. Je n'ai pas le sentiment d'être un traître."
A propos de Raymond Domenech : "Je me demandais avec un copain qui l'a connu comme moi en Espoirs en 1993 : ce mec était tellement sympa il y a quinze ans, est-ce qu'on s'est trompé sur le personnage ou est-ce la fonction qui rend fou ? Je ne suis pas sûr de mon diagnostic, mais je pense que c'est la fonction qui rend dingue. Il avait les pleins pouvoirs et il n'y avait aucun contrôle de la Fédération. Il aurait dit : je veux dix danseuses nues pour le prochain stage à Clairefontaine, il les avait (...) C'est un manipulateur. Il dit blanc à l'un, noir à l'autre. C'est pour ça qu'il s'est coupé des joueurs. Il leur a raconté des bobards et il a perdu toute autorité. Le Domenech des trois dernières années a beaucoup changé. Il manquait de courage aussi (...) Je lui en veux. Non pas parce qu'il m'a fait partir, mais parce qu'il n'a jamais eu aucune parole pour s'expliquer. Il a fait une connerie en emmenant Patrick Vieira à l'Euro 2008, et jamais il n'a dit : 'c'est de ma faute, le docteur m'avait prévenu' (...) Depuis 2008, il était incapable de prendre une décision forte. J'espère pour lui qu'il reviendra un jour sur Terre."
Dans un passage de L'Implosion (pages 87-88), Jean-Pierre Paclet, qui, rappelons-le, n'était pas le médecin des grands Bleus du Mondial 98, fait planer le spectre du dopage sur cette génération victorieuse : "Des analyses de sang ont révélé des anomalies sur plusieurs Bleus juste avant la Coupe du monde 1998. On peut avoir de forts soupçons quand on connaît les clubs où certains joueurs évoluaient, notamment ceux du Championnat en Italie". Dans le Parisien, il persiste et signe : "Je n'ai rien inventé. Avoir un taux d'hématocrites élevé ne prouvait pas qu'ils avaient pris de l'EPO. Comme il n'y avait pas de preuves, on ne les a pas embêtés. Mon collègue de la Juventus Agricola a quand même été condamné par la justice italienne avant d'être acquitté. C'est de notoriété publique qu'il y avait des pratiques pour le moins limites à la Juventus à l'époque [où évoluaient alors Deschamps et Zidane, NDLR]".
Paclet écrit également : "Je ne sais pas ce que j'aurais fait à la place de Jean-Marcel Ferret, le médecin de l'équipe de France de l'époque. Il était face à un cas de conscience". L'intéressé, découvrant cela, "tombe des nues" : "Il n'y a eu que deux légères anomalies au niveau de taux d'hématocrite. Mais elles étaient liées à la fatigue du Championnat", se souvient-il, "la conscience tranquille". Le nouveau sélectionneur des Bleus, Laurent Blanc, a également réagi illico, sur France Inter, en prenant connaissance de ces accusations : "C'est du réchauffé. Je ne connais pas ce monsieur. L'ombre du dopage sur l'équipe de France 1998 est un mensonge. N'allons pas chercher de choses qui n'existent pas."
S'il faut faire preuve de précaution face à ce déballage d'un professionnel qui ne nie pas sa rancoeur à l'égard de Domenech, on ne peut s'empêcher de saliver en pensant à la foule d'anecdotes, d'éléments "factuels" comme le dit Paclet, que sa présence dans les coulisses des Bleus lui a permis de collectionner. Le Parisien, s'en léchant les babines, en évente quelques-unes, du style : Patrick Vieira a voulu aller à l'étranger (auprès du médecin du Bayern et de Willy Sagnol) prendre un produit interdit en France ; Thierry Henry qui balance, en vestiaire, à Domenech qu'on "s'emmerde à [ses] entraînements" ; Materazzi la peste qui l'insulte lui, alors qu'il intervient auprès de Zidane quelques minutes avant l'épisode du coup de boule ; etc. Ajoutons à la dotation un savoureux dessin de presse, dans l'édition du jour du Parisien, représentant Franck Ribéry, auquel on assure : "T'inquiète pas, Franck, il parle de produits dopants mais il ne dit nulle part que tu lui as demandé du viagra."
Jean-Pierre paclet insiste : "Tout ce que je raconte est factuel. Je ne porte aucun jugement. Il n'y a pas de médisance". Par ailleurs, c'est une version corrigée et validée par l'avocat de la maison d'édition Michel Lafon (laquelle a déjà tiré l'ouvrage à 20 000 exemplaires) qui sera commercialisée ce jeudi.
Intégralité des révélations disponibles demain. D'ici-là, retrouvez toute la teneur de l'exclusivité du Parisien/Aujourd'hui en France dans son édition en kiosques ce mercredi, ainsi que sur leparisien.fr. En cliquant ici, vous pourrez découvrir une brève vidéo de présentation où Paclet dresse, en quelques mots et confidences, le portrait de quelques joueurs clés des Bleus.