Une semaine que Rest, le nouvel album de Charlotte Gainsbourg, est sorti. Une pépite noire et entêtante sur le deuil de son père Serge et de sa soeur Kate Barry, un autoportrait railleur et une balade morbide et dansante. Les textes sont de Charlotte et la musique de Sebastian, mais aussi de Paul McCartney et Guy-Man de Daft Punk. Après le bouleversant Rest, les brillantissimes Deadly Valentine et Ring-A-Ring O' Roses, dont les clips mettent en scène les enfants de Charlotte et Yvan Attal, elle nous plonge dans le décor noir et fantomatique de la maison de son père pour Lying With You.
La chanson raconte cette image restée gravée dans la tête de Charlotte Gainsbourg : celle du corps de son père, sans vie, sur son lit. Elle avait 19 ans. Elle chante qu'une jambe dépassait du drap, qu'une traînée s'était formée au coin de sa bouche et qu'elle s'est blottie contre lui. Depuis la mort de Serge Gainsbourg en 1991, son domicile du 5 bis rue de Verneuil est resté identique. Charlotte en est la propriétaire, elle s'y rend parfois quand elle en a le courage. C'est là, au milieu des objets de son père, qu'elle a réalisé la vidéo de Lying With You : "Je me suis autorisée à le faire, expliquait-elle dans Le Parisien début novembre. On y retrouvera ces images entre le cauchemar et le fantastique. J'ai compris très tard que mes parents étaient des génies, par exemple. Donc les murs noirs, l'ambiance musée, les objets partout, tout ça faisait que l'on ne pouvait pas toucher à grand-chose." Dans le clip, Charlotte suit une petite fille (peut-être sa fille Joe, pour représenter sa propre enfance) qui déambule et disparaît dans la maison.
Il faut avoir le courage de le subir un peu
Il y a quelques années, Charlotte Gainsbourg avait souhaité faire des lieux un musée, avant d'abandonner : "On s'amusait dans la nursery. Quand mes parents se sont séparés, j'allais rue de Verneuil les week-ends, mon père était célibataire, puis il y a eu Bambou. Depuis mes 19 ans, ce lieu n'a pas bougé. Tout est resté tel quel, disait-elle encore dans Le Parisien. Il a un aspect fantomatique mais, d'un autre côté, c'est un climat dont j'ai besoin. Je n'y vais pas souvent car ce n'est pas un lieu neutre, il faut avoir le courage de le subir un peu. Mais j'y vais. Je réfléchis à en faire un musée. J'en ai de nouveau envie."
Pour autant, le fameux salon noir de Gainsbourg est accessible à quelques chanceux. D'abord à Lulu Gainsbourg, demi-frère de Charlotte et fils de Bambou, qui y a enregistré son prochain album. Mais aussi aux membres de l'association Serge Gainsbourg, que parrainent Lulu et Charlotte, qui "a pour vocation d'honorer la mémoire de l'artiste, de faire rayonner son oeuvre à travers le monde et de préserver son illustre domicile parisien". Ils seront tirés au sort pour pouvoir s'y rendre.
Rest est qualifié de "plus gainsbourien" des albums de Charlotte. C'est particulièrement vrai dans les arrangements de Sebastian, dans cette voix haut perchée (pas si fragile, notamment sur Kate) que l'on retrouve sur certains titres comme lorsqu'elle chantait avec son père Lemon Incest. Et ça l'est aussi grâce à ce clip qui ouvre le temple des temples, ce lieu magique où repose une partie de notre fantasme collectif sur ce géant pop français, Serge Gainsbourg.