Christine Angot et son éditeur Flammarion étaient poursuivis pour atteinte à la vie privée par Élise Bidoit. La plaignante a eu quatre enfants avec un homme qui est devenu le compagnon de l'écrivaine et l'écrivaine a fait d'elle l'un des personnages de son roman Les Petits, paru en janvier 2011. Le tribunal de grande instance de Paris a rendu son verdict lundi 27 mai et a condamné Angot et Flammarion à verser 40 000 euros de dommages et intérêts à la plaignante. L'auteure est "totalement effondrée"...
Le 25 mars dernier, lors de l'audience, les deux parties se sont affrontées sur un point principal : la plaignante est-elle identifiable, dans le roman de Christine Angot, par des personnes n'appartenant pas à sa sphère familiale ? Le tribunal a tranché en faveur de Mme Bidoit, soulignant que les liens des personnages du livre avec la réalité de sa vie sont "particulièrement forts, étroits, insistants". Un "pan entier" de la vie d'Élise Bidoit "est évoqué dans les moindres détails, des plus quotidiens aux plus intimes", ont relevé les magistrats.
Traquée
Pour l'avocat de la plaignante, Me William Bourdon, la sévérité du montant des dommages et intérêts n'est "évidemment pas étrangère à la récidive". Sa cliente s'estime "traquée" , car ce n'est pas la première fois que Christine Angot écrit sur elle : dans son précédent roman - Le Marché des amants (2008), qui décrivait par le menu sa romance avec le rappeur Doc Gynéco -, Élise Bidoit s'était déjà reconnue dans un personnage et avait déjà obtenu gain de cause devant la justice et la somme de 10 000 euros.
La défense d'Angot était intéressante : Me Georges Kiejman estimait qu'en se confiant dans les pages du Nouvel Observateur (février 2011), Mme Bidoit s'était exposée elle-même devant 400 000 lecteurs, là où les livres de Christine Angot se vendent à environ 20 000 exemplaires ; "les seules clés" sont celles que Mme Bidoit a données elle-même en "se mettant en scène, chez elle, dans Le Nouvel Observateur". Le magazine écrivait, un mois après la sortie du roman d'Angot : "Un week-end sur deux, 'les Petits' - 5, 7, 9 et 11 ans - sont chez la romancière avec leur père. Résumons la situation : les quatre enfants d'un couple séparé jouent dans une pièce ; dans une autre, la nouvelle femme de papa écrit un livre où elle torpille leur mère." Le tribunal a rappelé à Christine Angot qu'il "n'y a pas d'irresponsabilité juridique de l'auteur, spécialement quant on pille systématiquement la vie privée de quelqu'un, y compris quand il s'agit d'une personne anonyme", répond Me William Bourdon, avocat de la plaignante.
Effondrée
Ce verdict passe mal auprès de l'auteure. Si Me Kiejman s'est dit "surpris" de la "sévérité" du jugement, Angot le vit en plus comme une "remise en question de son oeuvre". "L'objectif social" du livre, qui évoque la "prééminence des mères dans les problèmes de séparation", "tout cet aspect des idées qui est contenu dans le livre est balayé d'un revers de main", a déploré son avocat.
"Totalement effondrée" aujourd'hui, Angot rebondira-t-elle en faisant de cette "remise en question" le sujet de son prochain roman ?