Ce jeudi 12 juillet 2018 à Paris, la France a rendu hommage à Claude Lanzmann, réalisateur de Shoah et ancien résistant, décédé à l'âge de 92 ans. Une figure qui a traversé le XXe siècle avec la volonté irréductible de témoigner de l'extermination des Juifs d'Europe par les nazis. "En ce jour, Claude Lanzmann, vous n'êtes pas seul : nous sommes tous avec vous ; ces morts sont tous avec vous. Ils vous maintiendront vivant à jamais", a déclaré le Premier ministre français Édouard Philippe lors de cet hommage national, dont l'AFP rapporte les propos.
Dans la cour des Invalides, en présence de la garde républicaine, étaient réunis les anciens ministres Bernard Kouchner, Jacques Toubon, Jack Lang, le philosophe Bernard-Henri Lévy, l'écrivain Frédéric Beigbeder, le cinéaste Arnaud Desplechin, l'actrice Judith Magre, première épouse de Claude Lanzmann, ainsi que sa veuve Dominique.
Face au cercueil recouvert du drapeau tricolore, Bernard-Henri Lévy a évoqué, visiblement ému, la figure d'Orphée – le poète revenu des enfers – pour saluer celui qui fut écrivain, philosophe, journaliste et surtout la mémoire de l'Holocauste et de ses victimes. Dans son éloge funèbre, le philosophe a salué l'"intellectuel engagé et querelleur", ainsi que le "jeune maquisard, bouillant d'intrépidité et de vie" que fut Claude Lanzmann, résistant en 1943.
Après cet hommage, il a été inhumé dans le caveau familial au cimetière du Montparnasse, non loin de Simone de Beauvoir, avec qui il partagea une partie de sa vie. Près de 250 personnes étaient réunies pour cette cérémonie, en présence du grand rabbin de France Haïm Korsia. Claude Lanzmann laisse derrière lui ce documentaire-monument sur l'extermination des Juifs d'Europe, qui fait autorité. "Shoah, c'est une oeuvre unique pour un crime unique, ce sont des visages, c'est un cri. Un refus aussi : celui de l'oubli", a souligné le Premier ministre français aux Invalides.
Le film est entré dans l'histoire du cinéma par sa durée (9h30), sa forme (pas d'images d'archives) et son propos : raconter "l'indicible". Sa réalisation fut une aventure de longue haleine, puisque la préparation et le tournage s'échelonnèrent de 1974 à 1981, avec un montage qui dura presque cinq ans. À côté de cette oeuvre, Claude Lanzmann fut également journaliste, directeur des Temps modernes et écrivain. Ami de Jean-Paul Sartre, compagnon de Simone de Beauvoir, il fut un infatigable défenseur de la cause d'Israël, voyant dans l'antisionisme "un des masques de l'antisémitisme".