Cristina d'Espagne tremblera jusqu'au bout face à la menace de huit années de réclusion : bientôt trois semaines après avoir assisté, la mine défaite, à l'audience préliminaire du procès de l'affaire Noos, dans laquelle elle a été mise en examen à l'instar de son mari Iñaki Urdangarin, la fille du roi Juan Carlos Ier d'Espagne et de la reine Sofia a vu la demande de non-lieu formulée par ses conseils rejetée par le tribunal de Palma de Majorque.
Contrairement à son époux, qui devra répondre à partir du 9 février de quatre chefs d'accusation - détournement de fonds, fraude fiscale, trafic d'influence, escroquerie et blanchiment d'argent - et qui encourt jusqu'à 19 ans et demi de prison, l'infante Cristina, 50 ans, propriétaire avec lui d'une société-écran (Aaizon) par laquelle ont transité les sommes détournées, est visée "seulement" pour des délits fiscaux (une fraude estimée à 337 138 euros). En dépit de la gravité des faits et de l'impact de la mise en examen historique - et à rebondissements ! - de la soeur du roi Felipe VI, premier membre de la famille royale traduit devant la justice, sa défense espérait la soustraire au procès. Les avocats de l'infante - Jésus Maria Silva, secondé par Miquel Roca et Pablo Molins, compte tenu de la longueur prévisible du procès - ont invoqué le 11 janvier dernier la jurisprudence Botin, en référence au non-lieu validé en 2007 par la Cour suprême en faveur du puissant banquier Emilio Botin, pour étayer leur demande. Ils comptaient également profiter de la relative faiblesse de l'accusation, puisque seule l'association d'extrême-droite Manos Limpias (Mains propres), qui a fait de la lutte contre la corruption son cheval de bataille, représente l'accusation publique, tandis que ni le ministère public ni l'administration fiscale n'ont exigé de poursuites, le procureur assurant même disposer d'un nouveau rapport prouvant que l'infante n'est pas coupable de fraude.
A deux semaines de l'ouverture du procès, le tribunal de Palma de Majorque a refusé de prononcer un non-lieu en faveur de Cristina d'Espagne, retoquant la demande en nullité de la défense et du parquet dans une décision écrite en date du vendredi 29 janvier 2016. L'instance a estimé que l'Etat et le fisc n'étaient pas les seuls lésés par la fraude fiscale, notant que le fait de ne pas payer ses impôts "nuit au Budget et à la répartition équitable des fonds publics". Or, c'est bien de fonds publics qu'il est question avec cette affaire dans laquelle le mari de l'infante est accusé d'avoir détourné près de 6 millions d'euros.
L'avocat de l'infante a indiqué aux journalistes qu'elle avait appris par la presse la décision du tribunal et qu'elle comparaitrait au procès, devant les juges Samantha Romero, Eleonor Moyá et Rocío Martín. Elle fera partie des dix-huit prévenus du dossier de l'Instituto Noos, organisme à but non lucratif en charge de l'organisation d'événements dans les Baléares que son époux Iñaki Urdangarin présida de 2004 à 2006. Parents de quatre enfants (Juan, 16 ans, Pablo, 15 ans, Miguel, 13 ans, et Irene, 10 ans) et exilés en Suisse depuis l'éclatement de l'affaire, la fille du couple royal et l'ancien champion espagnol de handball se préparent à vivre des moments particulièrement difficiles ; elle maintiendra vraisemblablement avoir eu une confiance aveugle en son époux et il réitérera certainement qu'elle n'avait pas connaissance de ses activités, tandis que Diego Torres, ancien associé d'Iñaki, devrait faire des révélations compromettantes...