Fort du million d'entrées de La Fille du puisatier, Daniel Auteuil a poursuivi son chemin de réalisateur, toujours sous le soleil de Marcel Pagnol, avec deux films qui sortent simultanément, Marius et Fanny, avant de dévoiler l'ultime épisode de cette trilogie, César, à la fin de l'année. Amoureux du Sud, père aimant et homme discret, l'icône du cinéma qu'il est s'est racontée à Purepeople. Une rencontre chaleureuse, confirmant l'aura bienveillante que possède la star de cinéma.
Sous le soleil de Pagnol exactement
Pagnol tient une place particulière dans la vie de Daniel Auteuil. C'est avec Jean de Florette et Manon des sources de Claude Berri en 1986 que sa carrière prend un tournant. Grace à ces films, adaptés du livre éponyme de Marcel Pagnol, il obtient un César, prouvant qu'il n'était pas seulement un acteur de comédie. Mais le dramaturge d'Aubagne avait déjà marqué la vie de Daniel Auteuil auparavant, lui qui a grandi à Avignon : "Quand je suis né, Marcel Pagnol avait déjà donné une identité à la Provence, à la culture, certaines situations, c'était ancré en nous. A 16 ans, pendant le festival d'Avignon, il y avait une rétrospective des films de Pagnol, j'ai vu tous ses films mais à l'époque, pour moi, c'était du vieux cinéma. Du noir et blanc. Je m'y intéressais comme on visite un musée. Et quand je suis venu à Paris pour faire acteur, la lumière du Sud me manquait et je me suis mis à lire Pagnol. Je suis tombé amoureux de cet auteur. Plus tard on m'a proposé de jouer dans Jean de Florette et ça m'a porté chance. Autour de la trentaine, j'ai découvert la portée universelle de Pagnol, un auteur qui parle de nous, rien n'est démodé. C'était toujours fort."
Pas étonnant que pour passer à la mise en scène, il ait songé rapidement à Pagnol et La Fille du puisatier. Daniel Auteuil, qui revient avec une trilogie pagnolesque, n'a pas peur d'être catalogué : "Je n'ai pas peur, mais oui, sûrement que je le suis. D'abord je l'ai été dans les comédies, puis les films d'auteur. Ça ne m'effraie pas, je ferai d'autres choses ensuite."
Pour durer dans le métier ? Du travail et de la chance
Pour mener à bien son projet de Marius et Fanny dans un premier temps, puis César dans un autre, Daniel Auteuil devait trouver les perles rares pour incarner les rôles principaux. Procédant à des castings, il est convaincu par les essais de Raphaël Personnaz et Victoire Belezy : "Je les ai trouvés justes pour les personnages tous les deux. Avec cette beauté sombre. Ils avaient en plus, comme ce sont de grands acteurs, cette facilité à servir le texte et à me le faire entendre comme je le voulais. Victoire, à ses essais, je l'ai trouvée magnifique. J'ai croisé beaucoup d'actrices et elle, je l'ai trouvé très forte." Si Raphaël Personnaz a une carrière déjà bien remplie - un prix Patrick-Dewaere et on le retrouvera cet automne dans Au bonheur des ogres -, Victoire Belezy est inconnue du grand public. Reste aux deux acteurs la possibilité de durer dans le métier : "Il faut du travail et de la chance. La chance est en route pour Raphaël. Il sait déjà se comporter dans la vie, il a une rigueur et un respect de son travail et des gens. Il a une tenue et elle aussi. Ils ont déjà les qualités essentielles pour faire ce métier. Sinon il n'y a pas de formule magique. Ce sont des rencontres, des films, des succès. En tout cas, l'un et l'autre, dans ces films, ils se sont révélés à eux-mêmes. Si les metteurs en scène ne sont pas abrutis, ils vont voir que ce sont de grands acteurs."
"Un père aimant"
Coïncidence ou pas, avec Marius & Fanny, Daniel Auteuil retrouve un nouveau rôle fort de figure paternelle, après Jappeloup où il incarnait celui de Guillaume Canet. L'occasion de l'interroger sur le père qu'il est lui, avec ses trois enfants, Aurore, 32 ans, dont la mère est Anne Jousset, Nelly, 21 ans, qu'il a eue avec Emmanuelle Béart, et enfin le petit dernier Zachary, 3 ans et demi, né de son mariage avec Aude Ambroggi : "Le dénominateur commun [avec ses personnages et lui-même], c'est l'amour. Je suis un père aimant. J'aime mes enfants comme mes parents m'ont aimé. On m'a appris des bases, ce n'était pas une famille où on parlait beaucoup, une famille simple, mais l'amour que j'ai recu m'a donné confiance. J'aime bien être le représentant de ces pères, dans Jappeloup et dans Marius. Un père, comme dit César, c'est celui qui aime, et ça j'y crois. C'est quelqu'un qui donne, pas forcément un exemple, mais un repère."
Avec le petit Zachary, que les observateurs ont pu voir dans La Fille du puisatier, il évoque sa relation de père, par rapport à ses deux grandes filles : "L'amour ne se mesure pas, ne se compare pas. L'amour est intrinsèque, pour un père et ses enfants. Ce qui change, c'est la relativité, c'est le temps. Je ne perds plus de temps. Pour que je sois séparé de lui, il faut que ça en vaille la peine, mais pas trop longtemps." Il précisera qu'Aurore fait du théâtre et Nelly de brillantes études du droit.
Un héros très discret
L'entretien touche à sa fin. Il trouvera néanmoins un peu de temps pour défendre Gérard Depardieu, acteur au talent remarquable mais homme controversé : "L'époque est assez difficile et quand on peut stigmatiser quelqu'un, eh bien ça arrive vite. Il a le droit de faire ce qu'il a envie de faire, tant que cela ne touche pas la liberté des autres", explique l'acteur à propos de son partenaire dans Jean de Florette, Le Placard et 36, quai des orfèvres. Difficile aussi de revenir sur quarante années de carrière en quelques minutes, mais une chose est sûre : "Je n'ai pas de regrets, sur ce que j'ai refusé, ou sur ce que j'ai fait. C'est juste passé trop vite." Cité dans un premier temps pour le rôle que François Cluzet tiendra finalement dans Intouchables face à Omar Sy, Daniel Auteuil en profite pour faire taire les mauvaises langues qui insinuaient qu'il demandait un salaire trop élevé : "C'est vrai on m'a proposé le rôle, mais j'étais sur le montage de La Fille du puisatier, je ne voulais pas lâcher mon bébé."
Daniel Auteuil est une figure du cinéma dont le talent est proportionnel à sa discrétion. Il n'a aucun problème avec la célébrité, mais il chérit plus que tout sa liberté. Malgré une immense notoriété, il a su mener sa barque paisiblement, pour encore mieux nous fasciner. On l'attend de pied ferme dans le rôle de Dieu pour la caméra du réalisateur du Huitième Jour, Jaco Van Dormael.
"Marius" et "Fanny", en salles simultanément le 10 juillet
Interview exclusive, ne pas reprendre sans la mention de Purepeople.com
Samya Yakoubaly