Samedi 10 septembre 2016, c'était jour de palmarès aussi bien à Deauville qu'à Venise. Tandis que la 73e Mostra décernait son Lion d'Or à un réalisateur philippin et saluait à nouveau le travail de Tom Ford, le 42e Festival du cinéma américain rendait lui aussi son verdict...
Présidé par Frédéric Mitterrand et comptant dans ses rangs Ana Girardot, Marjane Satrapi ou encore Eric Elmosnino - mais étrangement déserté en cours de route par Sara Forestier, qui a disparu aussi du site officiel de l'événement -, le Jury du rendez-vous normand a attribué le Grand Prix du Festival à Ira Sachs pour Brooklyn Village, deux ans après sa précédente venue pour défendre Love is strange.
Au côté de cette chronique sociale et familiale new-yorkaise, deux autres regards sur la société contemporaine américaine ont suscité un intérêt particulier : Captain Fantastic, de Matt Ross, et Le Teckel, de Todd Solondz, ont tous deux récolté le Prix du Jury. Derrière le titre en trompe-l'oeil du premier, digne d'un blockbuster de super-héros, se cache en réalité une immersion dans le quotidien sauvage et rude d'une famille de huit qui, sous la houlette de Viggo Mortensen, vit en marge de la société, en pleine nature. Un équilibre à contre-courant de la civilisation moderne qui va être mis à mal par la maladie puis le suicide de Leslie, la mère... Proposant un tout autre point de vue, décalé et corrosif, sur la société de consommation américaine, savoureusement caricaturée, Le Teckel suit avec un humour grinçant les (més)aventures d'une petite chienne qui passe de foyer en foyer comme un banal objet qu'on prend et qu'on jette sans scrupules. Et rapporte à son maître, ou plutôt son réalisateur Todd Solondz, son deuxième Prix du Jury à Deauville, 21 ans après Bienvenue dans l'âge ingrat.
Le jury présidé par Frédéric Mitterrand était en grande forme, sans doute soulagé d'arriver au terme de sa mission : tandis que l'ancien ministre de la Culture s'est ingénié à enrouler le tapis du Festival sous les yeux d'un Radu Mihaileanu hilare, Ana Girardot, audacieusement décolletée, s'est laissée aller à brandir un doigt d'honneur magistral avec le réalisateur Matt Ross. Très complices pour le coup, la Française et l'Américain s'amusaient en fait à répéter avec jubilation ce geste très usité dans la comédie satirique Le Teckel, décidément un gigantesque doigt d'honneur à certains travers des Etats-Unis épinglés par le film, leur égoïsme et leurs mensonges. Oh, et puis fuck...
Comme Captain Fantastic, qui a réalisé un doublé en s'attirant le Prix du Public de la ville de Deauville, Le Teckel a hérité d'un second prix, le Prix de la Révélation Kiehl's, dont le jury était dirigé par Audrey Pulvar. La journaliste a bien failli, pour sa part, hériter du prix de la présidence de jury la plus laborieuse et indigeste en raison de son discours interminable et particulièrement ampoulé lors de la cérémonie de remise des récompenses... Multipliant à l'excès les références tous azimuts (René Char, Souchon, Barbara, les nouvelles d'Andrew Porter) et les phrases à rallonges (au risque d'en bafouiller), comme on peut "l'apprécier" autour de la 40e minute de la vidéo publiée sur le site du Festival, elle a in extremis ("Tout vient à temps (sic) à qui sait attendre", pour la citer) pu couper court aux sifflets qui commençaient à s'élever en annonçant enfin le lauréat. Ouf !
Au titre des autres récompenses, on notera que le Prix de la Critique a été décerné à The Fits, premier long métrage d'Anna Rose Holmer, le Prix d'Ornano-Valenti à Willy 1er et le Prix littéraire Lucien Barrière à Stewart O'Nan pour Derniers feux sur Sunset.
Samedi toujours, Daniel Radcliffe, au lendemain de son passage ovationné sur le tapis rouge également foulé par sa collègue d'Harry Potter Clémence Poésy, enceinte, avait l'honneur d'inaugurer une cabine à son nom sur les planches de la station balnéaire, quelques jours après Stanley Tucci. Tout comme la veille, de nombreux fans, qui pour certain(e)s attendaient la venue de l'acteur britannique depuis les premières heures du jour, lui ont réservé une ovation très exubérante. Il y a répondu en se prêtant à moult selfies, en présence du maire de Deauville, Philippe Augier. Plus de 30 minutes à poser, et encore autant, ensuite, en séance de dédicaces avant de signer... le livre d'or de la ville.
GJ