Alain Bernard est un survivant. Pourtant, le nageur, qui a vu ses compagnons d'aventure Camille Muffat, Alexis Vastine et Florence Arthaud disparaître, refuse de se considérer comme tel. Deux jours après le drame, Alain Bernard a voulu témoigner "par compassion et pour apporter des brides de compréhension aux familles des victimes".
Ni des miraculés, ni des rescapés
S'il se dit dans les colonnes de L'Équipe "abasourdi, dans l'incompréhension" et évoque "un sentiment d'injustice", il refuse de se considérer "comme un survivant". "On n'est ni des miraculés, ni des rescapés. On est surtout choqués. Mais voilà, la vie continue", raconte le champion olympique qui poursuit : "Nous, on est là. On ne peut pas se permettre de s'apitoyer sur nos sorts, on doit continuer à avancer et c'est à travers nos comportements futurs qu'on peut leur rendre hommage. On n'oubliera jamais." Une situation propice au questionnement, comme il le raconte au Parisien : "Ici, on se dit : pourquoi eux et pas nous ? (...) Tu te poses des milliards de questions auxquelles tu n'auras jamais la réponse."
Avec ses compagnons, Philippe Candeloro, Jeannie Longo et Anne-Flore Marxer, Alain Bernard tente "d'affronter la réalité cruelle qui est devant nous", raconte-t-il à l'AFP. "En quelques secondes, tout bascule, tout bascule", poursuit-il dans L'Équipe. Tu ne peux jamais rester insensible à la disparition de personnes, mais quand tu les connais... Quand tu discutais encore avec trois minutes avant, c'est... C'est violent. Très, très violent."
L'appel à la famille Vastine
Et les heures qui suivent le sont tout autant. S'il arrive à joindre rapidement sa mère, Alain Bernard se rend compte que certaines familles apprendront la mort de leurs proches par les médias. "Je me suis dit qu'il n'y avait rien de plus horrible", explique-t-il, lui qui a appelé Adriani Vastine, le frère d'Alexis, dont la famille avait déjà été endeuillée en janvier dernier par le décès de Célie, la soeur du médaillé de bronze aux JO de Londres. Une épreuve terrible qu'il se devait de faire, malgré les circonstances : "J'ai donc décidé de l'appeler. Adriani m'a demandé de mes nouvelles. Je lui ai alors dit que son frère n'était plus là. Il a fait une crise de nerfs, en hurlant : 'Je raccroche ! Je raccroche !' Ils avaient déjà perdu leur soeur en janvier... Je voulais vraiment éviter que cette famille apprenne par les médias cette tragique nouvelle. C'est une responsabilité qu'on avait."
Lorsqu'il rentrera, Alain Bernard a déjà une idée bien précise de ce qu'il fera : "J'aimerais bien aller voir la famille de Camille, que je connais plus que celle d'Alexis ou de Florence. J'ai envie de leur témoigner tout mon soutien." Car malgré des stages et des compétitions passés au côté de la jeune femme avec l'équipe de France, Alain Bernard reconnaît ne pas l'avoir plus connue que cela, avant cette aventure Dropped. "Elle était comme moi. Elle adorait voyager, voir du monde, dit-il dans les colonnes de L'Equipe. On a pris le temps de discuter, de partager."
Un accident con et tragique
Une fois de plus, le nageur est revenu sur les circonstances de l'accident, terrible, et garde en tête "les images des fous rires, des trois qui se chamaillent avant de monter dans l'hélicoptère, le bruit qu'on entend au loin, le silence total... Tu arrives sur place, tu vois les hélicoptères en feu. Tout ça, c'est marqué et ça le sera à vie. C'est violent", concède-t-il à l'AFP. La sécurité ? C'est un accident aussi con et tragique qu'un autre, dit-il encore à l'agence de presse. La sécurité a été anticipée par la production comme on ne peut même pas l'imaginer. Il y a bien des facteurs qu'on ne peut pas anticiper et ça, ça en faisait partie."
"Tu mesures à quel point tout cela, les amis, l'amour, c'est précieux, conclut-il dans L'Equipe. J'ai envoyé des messages d'amour à tous mes proches."