Elinton Andrade est un homme habile de ses mains. Aussi bien pour planter des patates que pour s'opposer aux frappes de Franck Ribéry.
Une caractéristique plutôt bienvenue pour un gardien de but, mais qui chez Andrade a une saveur toute particulière au vu de sa trajectoire, aussi bien sportive que personnelle. Car à 32 ans, le gardien numéro 3 de l'Olympique de Marseille va ce mercredi 28 mars être titularisé à la surprise générale pour affronter en quart de finale de la Ligue des champions la redoutable armada offensive du Bayern de Munich emmenée par un Franck Ribéry au sommet de sa forme.
Et pourtant, le gardien brésilien aurait pu ne jamais enfiler les gants en Europe... Car après avoir exercé ses talents dans le championnat brésilien de seconde puis de première division, il est obligé de s'exiler au Portugal après une défaite 7-0 face aux rivaux de l'Atletico Paranaense, alors qu'il évolue au Vasco de Gama. Les supporters considérant qu'il est le seul responsable de l'humiliation...
Pour Andrade, pas question de retour au pays. Il espère donc décrocher un passeport portugais, seul moyen pour lui de poursuivre son aventure footballistique. Mais l'affaire traîne, et l'homme se retrouve "sans club, sans argent, sans papier et sans [sa] femme, qui [l'a] quitté à ce moment-là", comme le rapporte L'Équipe. Mais l'homme n'est pas du genre à renoncer. Et va trouver une façon toute particulière de maintenir son état de forme, en devenant ouvrier agricole : "Je m'entraînais tout seul, dans un champ, avec des poules et des porcs. Je plantais des patates, des tomates ou des concombres pour aider les gens qui m'avaient accueilli. Le lundi, je grimpais une montagne, le mardi, je courais au milieu des brebis... Mais je n'ai jamais abandonné."
Durant sept mois, son quotidien se résume à la cueillette des patates, poireaux, concombres et poivrons du côté de Braga. De cette aventure, naîtra une belle histoire d'amour avec Fernanda, qui lui donnera un petit garçon baptisé Bernardo. En 2006, il obtient enfin son passeport lusitanien, à condition d'intégrer l'équipe nationale de foot-volley et ainsi disputer les mondiaux. Durant trois saisons, il joue en Italie avant de rejoindre la Roumanie et le Rapid Bucarest où les performances seront enfin à la hauteur de son talent entre 2007 et 2009. C'est là que Didier Deschamps, alors en quête d'une doublure pour son international Steve Mandanda ira le chercher. "Je ne sais pas comment il m'a repéré. Mais c'est flatteur d'avoir été choisi par en entraîneur de son calibre", déclare-t-il.
Avec trois matchs en Ligue 1, dont le dernier il y a plus d'un an, et un statut de numéro trois au club, Elinton Andrade sait qu'il n'aura pas le droit à l'erreur ce soir à Marseille. "Il a déjà franchi tant d'obstacles dans sa carrière. Ça faisait longtemps qu'il attendait cette chance. J'espère qu'il va la saisir. C'est un garçon imprévisible mais capable de soulever des montagnes", souligne Zico, le Pelé Blanc, icône brésilienne du ballon rond. Et celui qui porte dans son dos quelques phrases en l'honneur du phénix, animal légendaire qui renaît de ses cendres, aura fort à faire, lui qui jouera devant sa maman, venue en France pour la troisième fois. "A chaque fois, il m'arrive un truc génial : soit je suis titulaire, soit je renouvelle mon contrat. Là, je vais jouer un quart de finale de Ligue des champions ! Elle est mon porte-bonheur", confie-t-il. On espère qu'elle le sera pour toute l'équipe.