De nos jours, quel film culte n'a pas (encore) vu ses petits secrets déterrés au fil des années ? D'Autant en emporte le vent au muet Ben-Hur en passant par Metropolis, ces films qui ont marqué à jamais l'histoire du cinéma recèlent de secrets. Aujourd'hui, c'est Cléopâtre, chef-d'oeuvre de Joseph L. Mankiewicz, qui en fait les frais.
Grande fresque de quatre heures sur la vie tumultueuse de la célèbre reine d'Egypte, le film Cléopâtre traîne depuis sa sortie la réputation du film le plus cher de l'histoire. Un film porté par Elizabeth Taylor dans le rôle-titre, laquelle n'aurait pas dû hériter du rôle aux prémices du projet. En effet, la MGM et le producteur Walter Wanger (à qui l'on doit La chevauchée fantastique et de nombreuses actrices révélées) avaient en tête de confier le rôle à Joan Collins. La star de La fille sur la balançoire ou encore des Sept voleurs avait même réalisé quelques essais au côté de l'acteur Stephen Boyd (Ben-Hur, le film-culte de 1959 avec 11 Oscars) dans le rôle de Marc Antoine. Mais le producteur voyait plus grand.
Walter Wanger voulait un grand film au budget pharaonique à la hauteur de son sujet. Il songe alors à Elizabeth Taylor après avoir justement brillé devant la caméra de Mankiewicz dans Soudain l'été dernier, et séduit la critique avec La Chatte sur un toit brûlant. Wanger venait alors de faire signer la plus belle étoile hollywoodienne du moment, laquelle devenait d'ailleurs l'actrice la mieux payée pour une seule production (un million de dollars pour l'époque, une somme colossale, avec en bonus 10 % des recettes au box-office).
Très exigeante, Elizabeth Taylor oblige même Wanger et le réalisateur du moment Rouben Mamoulian à tourner dans les studios de Pinewood en Angleterre pour les besoins du tournage qu'elle désire à domicile. Une erreur plus que coûteuse. Les décors trop grands doivent être retaillés, alors que le froid et la pluie retardent la production. Elizabeth Taylor tombera même malade pendant de longs mois, contractant une pneumonie (qui l'oblige à subir une trachéotomie) doublée d'un abcès dentaire. Ceci n'est que le début d'un fiasco retentissant.
Le tournage traverse donc l'Europe et échoue à Cinecitta en Italie, où le climat est plus propice. Le réalisateur devient Joseph L. Mankiewicz (approuvé par Elizabeth Taylor) et les acteurs Richard Burton et Rex Harrison prennent les deux rôles masculins principaux. Le tournage reprend à la fin de l'été 1961. Entre-temps, Elizabeth Taylor a continué à toucher son salaire hebdomadaire estimé à 50 000 dollars (plus un chèque global sur le nombre de semaines de tournage).
Commence alors une folle histoire d'amour entre la star et l'acteur Richard Burton. Tous deux sont pourtant mariés mais s'aiment à la folie. Les tabloïds s'emparent des deux tourtereaux et le tournage est une nouvelle fois interrompu, avant de reprendre plus tard devant la ténacité du couple à afficher tout de même leur relation en public. De l'encre a coulé, plus que jamais.
Au final, Cléopâtre aura coûté 33 millions de dollars de l'époque, soit plus de 300 millions de dollars aujourd'hui avec l'inflation (hors coup de promotion), ce qui représente un budget exorbitant. En illustration de ce coût élevé, outre les 7 millions de dollars jetés par les fenêtres lors du passage anglais du tournage, les 24 000 costumes créés pour le film, 8000 paires de chaussures ou encore cette étoffe de 24 carats d'or portée par Elizabeth Taylor. La major 20th Century Fox est au bord de la faillite, au point même d'intenter un procès à Elizabeth Taylor (elle devait toucher un million de dollars de salaire, elle en touchera deux à cause d'un tournage interminable) que l'actrice gagnera.
Film maudit, budget pharaonique, actrice diva, problèmes de décors, changement de tournage puis de casting, surmédiatisation d'un couple légendaire mais bien embarrassant pour la production de l'époque, tout autant de détails qui ont façonné le mythe autour de ce Cléopâtre qui vit toujours, mais hante les grands studios de nos jours.
C.R.