Il y avait pire que le silence assourdissant d'Emiliano Sala et des recherches infructueuses de l'avion disparu des radars alors qu'il devait le mener à Cardiff dans la soirée du lundi 21 janvier 2019 : il y avait ses derniers messages, dans lesquels le footballeur italo-argentin de 28 ans prédisait le grand malheur qui s'est hélas produit...
"Je suis dans l'avion, on dirait qu'il va tomber en morceaux, et je pars pour Cardiff. Si dans une heure et demie vous n'avez plus de nouvelles de moi, je ne sais pas si on va envoyer des gens pour me rechercher, parce qu'on ne va pas me trouver, sachez-le. Oh là là, qu'est-ce que j'ai peur !", disait-il dans un message vocal envoyé via WhatsApp à des proches depuis le petit avion de tourisme mis à sa disposition par le président de son nouveau club de Cardiff City et à bord duquel il se trouvait seul avec le pilote. Si l'AFP souligne que ces paroles, rapportées par le quotidien sportif argentin Olé, ont été prononcées "sur un ton assez calme et ponctuées de bâillements", L'Équipe, de son côté, relève la crainte bien réelle de l'ex-attaquant du FC Nantes, qui venait d'être transféré deux jours plus tôt à Cardiff City contre 17 millions d'euros : le quotidien sportif français relate son inquiétude devant "des ratés dans la mise en route des moteurs" avant de décoller de Nantes et son message à son ancien coéquipier français Nicolas Pallois. "Si tu me cherches, tu sauras où me trouver...", lui a-t-il notamment envoyé, "le tout ponctué d'émoticônes de vagues, de rires aussi, histoire de dédramatiser" comme le commente le journal.
Il était alors un peu moins de 20h (heure française) lundi soir. À 21h23, le Piper Malibu PA-46 disparaissait des radars au large des côtes normandes, à une vingtaine de kilomètres au nord de l'île anglo-normande de Guernesey. Le contrôle aérien de l'île voisine de Jersey avait précisé lundi soir que l'avion et ses deux occupants, qui volaient dans un premier temps à 5 000 pieds, avaient demandé à descendre et évoluaient à 2 300 pieds avant d'échapper aux radars. Les recherches entamées dès lors, qui se sont poursuivies toute la journée de mardi, n'ont pas permis d'en retrouver la moindre trace, malgré une superficie couverte de 3 000 kilomètres carrés.
Interrompues durant la nuit, elles ont repris ce mercredi matin, alors que les chances de retrouver Emiliano Sala et le pilote vivants sont désormais quasi nulles : "Nous avons repris les recherches. Deux avions décollent et nous concentrerons nos recherches sur une zone précise où, selon nous, nous avons la plus haute probabilité de trouver quelque chose, en nous basant sur l'étude des marées et de la météo depuis la disparition de l'avion, a tweeté la police au petit matin. Les zones côtières autour d'Aurigny ainsi que les rochers et les îles seront également examinés depuis les airs."
Pour les parents de celui qui était communément surnommé "Emi" dans le milieu du foot et qui était unanimement adoré pour sa gentillesse et sa générosité – des traits de caractère mis en exergue par tous ceux qui l'ont côtoyé –, c'est une cruelle attente. "Les heures passent et je ne sais rien, je me prépare au pire", a déclaré, désespéré, son père Horacio mardi soir. À Nantes, où il évoluait depuis 2015 et où il s'était révélé comme un buteur et un guerrier remarquable, à Caen aussi, où il était passé précédemment, et du côté des Girondins de Bordeaux, où il fut formé après son arrivée en France, et même à Cardiff, où il était attendu, la détresse et la stupeur étaient les mêmes. De multiples hommages lui ont été rendus, des centaines de personnes déposant notamment des fleurs à Nantes.
L'Équipe relate par ailleurs dans son édition du jour les dernières heures qui ont précédé la disparition d'Emiliano Sala, qui avait "décidé de revenir à Nantes" après avoir passé sa visite médicale et paraphé son contrat à Cardiff. "Pour récupérer ses affaires, pour placer Nala la femelle labrador si aimée dans un refuge provisoire, et saluer ses coéquipiers." "Il était impensable qu'il ne leur dise pas au revoir. Cette notion de groupe est fondamentale dans la vie d'Emiliano", a confié au quotidien sportif l'un de ses proches. Après quoi, le défenseur Nicolas Pallois, son ami depuis l'époque des Girondins de Bordeaux, l'accompagne à l'aéroport. "Dans la voiture, les vannes fusent, comme toujours", apprend-on. Puis vient l'heure des au revoir et de la promesse de se revoir quelques jours plus tard. Emi embarque sans inquiétude particulière, "le voyage aller s'étant bien passé", et tue le temps en filmant quelques images en cabine et en envoyant des messages sur WhatsApp. L'avion décolle, atteint son altitude de croisière... "À 21h23, sans qu'aucun contact ne soit établi et alors que le pilote [...] a demandé à atterrir en urgence, le signal est perdu par le contrôle aérien. Silence." Les messages ultérieurs de Nicolas Pallois pour savoir si son ami est bien arrivé, agrémentés "de rires et d'émoticône sous-marin", resteront sans réponse.
Dans L'Équipe du 23 janvier 2019, tous les détails sur la disparition d'Emiliano Sala et quatre pages consacrées à "Emi le bien-aimé".