Le moment que tous redoutaient, depuis l'inquiétante disparition d'Emiliano Sala, est arrivé : après 80 heures d'efforts intensifs, à quadriller du lever du jour à la tombée de la nuit les eaux de la Manche, la police de Guernesey a annoncé l'arrêt des recherches, tout espoir de retrouver vivants le jeune footballeur italo-argentin et le pilote de l'avion qui le transportait étant désormais considéré comme quasi nul.
Tant qu'il n'y aura pas de corps...
"En dépit de tous les efforts des forces de secours dans les airs et sur terre, et malgré la coordination de la France, de la Grande-Bretagne et des autorités locales, les 80 heures cumulées de recherche sur plus de 4500 km² ne nous ont pas permis de retrouver la trace de l'avion ou de ses occupants", ont annoncé les autorités en milieu de l'après-midi du jeudi 24 janvier 2019. Seules les recherches depuis les airs s'étaient poursuivies ce jeudi. Quant à la théorie d'un amerissage improbable du côté de l'île de Burhou, qui agitait les réseaux sociaux depuis hier soir, elle avait été démontée aussi vite qu'elle était apparue. Le mystère reste total.
"On ne fera pas de minute de silence ou de minute d'applaudissement. Tant qu'il y aura pas de corps, tant qu'il y aura pas la possibilité de faire le deuil, on va respecter la famille et on va y croire", déclarait encore, quelques minutes auparavant, Valentin Rongier, capitaine du FC Nantes qu'Emiliano Sala venait de quitter, officiellement transféré le 19 janvier au club de Cardiff, au Pays de Galles, moyennant 17 millions d'euros. Des centaines de supporters du club s'étaient rassemblés à La Jonelière, où un "moment de communion" avait été annoncé pour 16h à l'occasion de l'entraînement des joueurs de Vahid Halilodzic, afin de manifester leur émotion et leur soutien, après un précédent rassemblement populaire extrêmement émouvant place Royale.
De l'autre côté de la Manche aussi, au sein du club de Cardiff, la stupeur et la désolation se sont abattus sur l'équipe comme une chape de plomb : "J'ai parlé avec le capitaine et certains leaders du groupe, j'essaie de parler à tous les autres. L'humeur dans le vestiaire est très sombre. Tous les joueurs sont en état de choc", a relaté Ken Choo, le patron du club gallois, lequel a pris en charge la soeur d'Emiliano, Romina, à son arrivée mercredi en Grande-Bretagne. Leurs parents, Horacio et Mercedes, étaient aux abois en Argentine depuis la disparition du jeune attaquant de 28 ans dans la soirée du lundi 21 janvier.
Emiliano Sala avait décollé de l'aéroport de Nantes-Atlantique peu après 20h lundi 21 janvier, non sans une certaine appréhension, qu'il avait partagée avec humour avec ses proches via des services de messagerie instantanée : "Je suis dans l'avion, on dirait qu'il va tomber en morceaux, et je pars pour Cardiff. Si dans une heure et demie vous n'avez plus de nouvelles de moi, je ne sais pas si on va envoyer des gens pour me rechercher, parce qu'on ne va pas me trouver, sachez-le. Oh là là, qu'est-ce que j'ai peur !", disait-il notamment dans un message vocal envoyé via WhatsApp après avoir constaté quelques "ratés dans la mise en route des moteurs". À 21h23, le Piper PA-46 Malibu à bord duquel il avait embarqué, un petit monomoteur d'une capacité totale de six places, disparaissait des radars alors qu'il se trouvait à une vingtaine de kilomètres au nord de l'île anglo-normande de Guernesey.
"Emi" venait de dire au revoir à ses coéquipiers du FC Nantes, qu'il avait tenu à revoir après avoir passé sa visite médicale et signé son contrat à Cardiff. L'agent William McKay a confirmé avoir affrété l'appareil pour ces déplacements : "Je peux confirmer que quand Emiliano nous a appris son désir, à Meissa N'Diaye [son agent] et moi-même, de retourner à Nantes après sa signature vendredi, j'ai cherché à arranger un vol privé qui le ramène en France le samedi et qui reste sur place jusqu'à son retour", a-t-il indiqué. Aux commandes se trouvait un certain David Ibbotson (dans une enquête approfondie du quotidien L'Équipe, on apprend qu'un autre pilote était associé à ce vol), un Britannique de 60 ans par ailleurs ingénieur dans le domaine de l'énergie et DJ occasionnel. Après avoir atterri à Nantes à l'aller, celui-ci, qui séjourna sur place dans un hôtel trois étoiles proche de l'aéroport en attendant le retour, avait confié dans des échanges sur Facebook que son approche du tarmac avait été un peu délicate et qu'il était "un peu rouillé" avec le "système d'atterrissage aux instruments".
Si les circonstances du drame présentent encore bien des zones d'ombre, la lumière projetée sur Emiliano Sala, elle, fait éclater la personnalité attachante d'un garçon formidablement adorable et d'un battant qui s'était accroché pour vivre ses rêves.