S'il chantait cranement l'aguicheur Adulte et Sexy dès 2009 et semblait vouloir alors affirmer dans une onde électro-pop son "équilibre" d'homme et d'artiste, il aura bien fallu à Emmanuel Moire l'aventure cathartique Cabaret et l'épopée médiatique Danse avec les Stars pour s'élever au-dessus des blessures intimes et se transcender tel qu'on le voit dans le clip de Beau malheur.
Pour les besoins de cette vidéo illustrant son nouveau single, premier extrait de son troisième album intitulé Le Chemin (Universal/Mercury) à paraître le 29 avril prochain, Emmanuel Moire, 33 ans, retrouve Fauve Hautot, sa partenaire d'émotions, d'éclats et de victoire dans la saison 3 du télé-crochet dansant de TF1, celle qui l'a aidé à franchir un nouveau palier dans la libération de soi. A l'image du titre et des motifs oxymoriques du morceau, le clip, dirigé par l'immense chorégraphe Marie-Claude Pietragalla et Julien Derouault, travaille sur les contrastes - ténèbres et lumière, noir et couleurs, immobilité et mouvement, mélancolie lexicale et énergie musicale : dans l'espace noir se détachent les ébats chorégraphiques du tandem, le maillot blanc du chanteur et la chevelure rougeoyante de la danseuse dessinant dans ce vide in(dé)fini jaillissements et volutes chargés d'histoire. Jusqu'à ce que des ténèbres jaillisse la lumière.
A voir le chanteur s'abandonner corps et âme dans cette narration chorégraphique, on mesure le chemin parcouru et l'importance qu'ont eue dans son affirmation artistique ses deux expériences "physiques" récentes : lorsque nous l'avions rencontré avant ses grands débuts dans la reprise du musical Cabaret, la dimension libératoire et jubilatoire de son travail sur le rôle du "Emcee" du KitKat Club était saisissante... A l'époque, l'opportunité Cabaret, une offre qui ne se refuse pas, avait interrompu - pour le meilleur, confiait-il - son travail sur son troisième album, alors qu'il venait de rompre avec la Warner et peinait à avancer. Et de même, c'est un Emmanuel Moire libéré avec son corps mais aussi apaisé en son for intérieur, serein tant quant à son homosexualité que la mort traumatisante de son frère jumeau Nicolas en 2009 (honoré par les chansons L'Equilibre et Sois tranquille), qu'on retrouvait dans Danse avec les Stars, généreux, désinhibé, irradiant.
Les fruits de ce chapitre important en matière d'épanouissement se cueillent à la volée dans Beau malheur, un morceau en clair-obscur finement écrit, composé de majestueuses phrases musicales et doté d'arrangements denses (aspect que souligne dans le clip la mise en scène d'un groupe, avec Emmanuel Moire au piano) pas sans rappeler le travail d'orfèvre d'un Calogero. "Qu'il m'a fallu la peur pour être rassuré/Que j'ai connu la douleur avant d'être consolé/Qu'il m'a fallu les pleurs pour ne plus rien cacher/Que j'ai connu la rancoeur bien avant d'être apaisé", chante Emmanuel Moire dans un refrain tempêtueux, matérialisant le tourbillon universel du yin du yang.
Beaucoup plus contrasté mais tout aussi déterminé que dans sa récente reprise de Au bout de mes rêves pour l'album Génération Goldman, Emmanuel Moire, qu'on pouvait également découvrir il y a quelques jours sur le nouvel album de Jean-Félix Lalanne, s'engage avec une énergie fauve sur un nouveau bout de chemin...G.J.