A l'occasion de la remise annuelle de ses Grands Prix et de ses 160 années d'existence, la Sacem, à la fin du mois de novembre, rendait plus d'un hommage ému à Francis Dreyfus, parti en juin 2010 et laissant comme orphelines les éditions musicales à son nom. C'est aujourd'hui un autre éminent contributeur de la vie musicale française, mais aussi un ancien éminent collaborateur de la Sacem qu'elle pleure : Jacques Demarny.
Parolier historique d'Enrico Macias, entre autres artistes au service desquels il mit sa plume, Jacques Demarny est mort mercredi à l'âge de 85 ans, a annoncé la Sacem, dont il avait été administrateur durant trente ans et dont il avait présidé à deux reprises le conseil d'administration. Claude Lemesle, le très respectable actuel président de l'organisation, a aussitôt fait part de sa vive émotion auprès de l'AFP, concentrant en quelques mots sincères tout la dimension humaniste du parcours de Jacques Demarny : "Avant tout, c'était l'homme qui était vraiment impressionnant d'humanité, de force, de sagesse. Il avait été un très jeune résistant. Toute sa vie a été un combat pour les causes qu'il trouvait justes (...) Ce n'est pas étonnant de l'avoir retrouvé en tant qu'auteur aux côtés d'Enrico Macias, pour chanter ce peuple qui avait souffert de ce rapatriement, la Shoah, les guerres. Il y avait une cohérence formidable entre l'homme et l'auteur." (vous pouvez lire l'hommage officiel de la Sacem en cliquant ici)
Né à Paris en 1925, Jacques Demarny avait grandi à Alger avant de faire son retour en métropole en 1940 et de s'engager dans la Résistance peu avant ses 20 ans. Après la guerre, en 1947, il fait ses débuts d'artiste dans les music-halls parisiens, en duo avec son frère Jean, puis multiplie les expériences - animateur sur Europe 1, Monsieur Loyal dans un cirque, comédien, chanteur...
A la fin des années 1950, il prend le virage de la poésie, décidant d'écrire pour les autres. Les premières, Annie Cordy (Allez hop) et Danielle Darrieux (Prendre le temps de s'aimer davantage) profitent de ses talents de parolier, qui serviront plus tard Daniel Guichard, Tino Rossi, Georges Guétary, Alice Dona, Nana Mouskouri, Demis Roussos, ou encore Gérard Lenorman.
Mais c'est surtout son association et sa profonde amitié avec Enrico Macias, avec lequel il forma un tandem inséparable, qui demeure légendaire : pour le chanteur de Constantine, Demarny écrira plus d'une centaine de chansons. La première d'entre elles n'est autre que l'hymne Enfant de tous pays, qui scella leur rencontre lorsque Jacques Demarny en proposa le texte à Enrico Macias un soir de concert à Bobino. La revue Je chante publiait le 4 janvier 2010 un superbe entretien avec Jacques Demarny (à lire en intégralité en cliquant ici), qui commençait par revenir sur ce premier contact, en ces termes : "J'ai rencontré Enrico Macias pour la première lorsque j'étais allé voir Dario Moreno à L'ABC. Macias y passait en vedette américaine. Beaucoup d'amis pieds-noirs m'en avait parlé, ils avaient été bouleversés par son passage dans l'émission Cinq colonnes à la une. Ce soir-là, à l'ABC, j'ai été surpris de voir un garçon un peu gros et maladroit, mais qui avait cette espèce de charisme qui est quelque chose qui ne s'apprend pas... C'est tout de suite après que Pascal-René Blanc et moi avons eu l'idée de lui écrire une chanson qui s'appelait Enfants de tous pays. Trois semaines plus tard, nous sommes allés le voir à Bobino."
Suivront maints succès conjoints tels que Les gens du Nord, Les millionnaires du dimanche, J'ai quitté mon pays, Mon coeur d'attache, Malheur à qui blesse un enfant...
Nos pensées vont évidemment à ses proches et à sa grande famille dans le monde musical.
G.J.