Après un farfelu hirsute qui aimerait qu'on lui foute un peu la paix pour qu'il puisse... ne rien glander et manger sa banane, Eric 'Darkplanneur' Briones descend des brumes du cerveau fantasque de Philippe Katerine vers la réalité à l'épreuve du pavé : Féfé est son nouvel invité.
A l'occasion de sa précédente édition/émission, Le Cabinet des Curiosités de darkplanneur.tv ne pouvait mieux assumer sa prérogative psychanalytique, avec un Katerine docile en position divan ; avec Féfé, il fait oeuvre d'une saine curiosité, terre à terre ou macadam à macadam s'il le faut, crochets en série et sèche en guest. On avait l'habitude de savoir Fe² entouré, du temps où il était Feniksi du Saïan Supa Crew : pour le Cabinet, on le retrouve cerné par un public inhabituel... Loin des foules de festival échaudées par les pépites de son premier album solo, Jeune à la retraite, s'agit-il des ouailles du gourou Dark ? D'autres de ses sujets d'exploration introspective ? De spectateurs d'un show du 3e type ?
On n'est jamais aussi seul que lorsqu'on est entouré, une maxime que Féfé confirme lorsqu'il revient sur ses années au sein du Crew : "Moi je ne m'aimais pas. Il m'a fallu presque 30 ans pour m'accepter et m'assumer. Et c'est avec cet album que j'ai commencé à me dire 'non, ça va, je ne suis pas le meilleur, mais je ne suis pas le pire, je peux continuer avec moi-même (...) J'suis pas parfait, mais je vous emmerde." Vilain petit canard, va.
Les quatre vérités de Fe²
Sa renaissance artistique, Féfé l'a revendiquée avec Bienvenue dans ma rue, premier single de son album Jeune à la retraite. La rue, c'est là que l'analyse peut commencer : "Je viens de banlieue, donc, quelque part, de la rue, comme on dit, et j'aime les gens qui viennent de là. Et parce que je les aime, je ne peux pas leur mentir, ça m'insupporte. Je ne peux pas leur dire 'C'est cool d'être dans la rue'. Il n'y a que ceux qui n'ont pas touché le fond qui en parlent comme d'un trophée. Ceux qui ont vraiment touché le fond dans la rue ne vont jamais se la raconter, ce n'est pas ce qu'ils ont envie de donner."
Un constat cinglant qui fait écho à Mes Vérités : "Je n'suis qu'un artiste, j'rappe pas ma vie d'cité si j'y habite plus. La vérité c'est que je serai pas le king de la street, j'ai quitté le ring pour la zikmu. On nous en veut c'est palpable, rien d'fictif (...) J'veux pas mentir aux jeunes, aux anciens,ce que je chante et écris sont mes vérités, mes vérités, mes vérités, il est temps (...) Mais qui détient toutes les vérités ? (...) Non, ce n'est pas au JT que la vérité se reflète, ni dans la rue - elle a ses propres codes."
Et comme dans "ses vérités", où "c'est l'Enfer sur Terre" avec seulement "un bout d'ciel gris à espérer", le diagnostic de ce jeune qui a fait retraite mais est loin d'être usé est cash : "Je suis un Français moyen, mais les Français ne le savent pas encore. Et le Français moyen que je suis est triste. A l'époque où on est, là, tout de suite, en 2010, ça pue." Il avait prévenu : "Avec style ou en chien", il dit ce qu'il a à dire.
Ma mère, ce héros...
Visiblement peu habitué à être entraîné sur ce terrain-là, celui du "je" qui cesse d'être l'universel de l'album pour devenir celui, particulier, de la biographie, Féfé confesse une admiration sans bornes pour la figure féminine en général : "Les femmes, c'est toute ma vie. J'avoue, et je peux pas mentir. J'ai été élevé par ma mère, j'ai deux soeurs jumelles, j'ai été entouré que de femmes. J'ai deux filles, une femme. Les réunions de famille, je suis le seul mec ! Une femme, c'est dingue, elles sont tellement plus fortes que nous."
Coincé, aculé, forcé à la confidence malgré la pudeur lorsque le Darkplanneur pointe l'Oedipe des rappeurs, se référant à la chanson de Jeune à la retraite que Féfé dédie à sa mère (Mon héros), et spéculant à raison sur un trauma autour d'un père absent, une mère essentielle : "Merde...", lâche Féfé, sans pouvoir réprimer un sourire ému et légèrement désarçonné. "Je ne sais pas pour les autres, mais pour moi c'est le cas, c'est sûr. Mon héros, c'est ma mère, bien sûr que oui. C'est un morceau qui est dans l'album et que j'ai eu peur d'écrire. Encore un rappeur qui parle de sa mère. Merde, je l'aime, qu'est-ce qu'il y a, je m'en fous. Il peut y avoir 1000 chansons écrites dessus, eh bien ça sera la 1001e, c'est la mienne. Sa réaction ? Ma mère, elle se la raconte, ça y est !"
Lui, en revanche, non. "J'ai l'impression que j'en sais trop pour me la raconter", résume-t-il comme une synthèse de son extraction et de son hyperactivité. Des souvenirs, des sourires et de la zik : découvrez Féfé dans le n°34 du Cabinet des Curiosités ci-dessus.
G.J.