Après une première au Festival du film indépendant de Sundace et une projection à la Berlinale, Kurt Cobain: Montage of Heck débarque le 4 mai aux États-Unis sur la chaîne HBO avant une sortie européenne en salles. Ce documentaire de Brett Morgen a nécessité sept années de travail et reçu le soutien de Frances Bean Cobain, la fille du leader de Nirvana. Elle avait à peine 1,5 an quand son père s'est suicidé d'un coup de fusil dans la bouche. Sa toute première interview est publiée par le magazine américain Rolling Stone.
Pas de romantisme
Frances Bean Cobain, visage poupon, yeux charbonneux, parfaite synthèse de Kurt Cobain et Courtney Love. Elle avait 15 ans quand elle a fait un stage dans les bureaux new-yorkais de Rolling Stone. Elle avait alors fait des recherches pour une couverture consacrée aux Jonas Brothers et elle travaillait non loin d'un portrait géant de son icône de papa. À 22 ans, la jeune femme peint, est fiancée et sort de l'ombre pour défendre le documentaire de Brett Morgen. Elle a même marché bras dessus bras dessous avec sa mère sur le tapis rouge de l'avant-première. Dans ces extraits de la grande interview qu'elle a accordée à Rolling Stone, Frances se montre à la fois touchante et détachée. "Kurt est arrivé à un point où il a dû sacrifier chaque parcelle de son être pour son art, parce que le monde l'exigeait de lui. Je crois que c'est une des choses qui ont déclenché chez lui ce besoin de partir, ce sentiment que tout le monde serait plus heureux sans lui. S'il avait vécu, si j'avais eu un père... Ça aurait été sans doute une expérience incroyable."
Pour réaliser son documentaire, Brett Morgen a eu accès à toutes les archives de Frances Bean Cobain. Elle n'avait qu'une idée en tête, "être au plus près de ce qu'aurait pu raconter Kurt lui-même" : "J'ai mis à disposition des preuves factuelles de qui il était enfant, adolescent, adulte, en tant que mari et en tant qu'artiste. Toutes les facettes de son être. (...) J'ai été très claire avec le réalisateur, je ne voulais pas du romantisme ou de la mythologie qui entoure Kurt (...) parce qu'il est décédé jeune et qu'il aura pour toujours 27 ans."
Saint Kurt
Le discours de Frances Bean sur la célébrité n'est pas tendre : "Mon père était extrêmement ambitieux. Mais il s'en est pris plein la figure et cela a dépassé sa propre ambition. Il voulait que son groupe ait du succès, mais il ne voulait être la voix d'une génération. (...) J'avais 15 ans quand j'ai compris que je ne pouvais pas lui échapper. Même dans une voiture, il suffit que j'allume la radio et mon père est là. Partout. Notre société est obsédée par les musiciens morts. Elle les met sur un piédestal. Kurt aurait pu n'être que ce mec qui a abandonné sa famille, mais non. Il a inspiré les gens qui l'ont mis sur un piédestal. Il est devenu Saint Kurt. Encore plus énorme mort que vivant." D'ailleurs, la jeune femme n'est pas fan de sa musique : "Je n'aime pas Nirvana tant que ça. Désolée les attachés de presse ! Je suis plus branchée Mercury Rev, Oasis, Brian Jonestown Massacre. La scène grunge n'est pas ce qui m'intéresse, même si Territorial Pissings [sur l'album Neverming, NDLR] est une putain de bonne chanson et que Dumb [In Utero, NDLR] me fait pleurer à chaque écoute."
Ce qu'elle observe en revanche, c'est sa ressemblance avec ce père qu'elle n'a pas connu. Elle sait qu'elle a la même voix profonde et monotone que lui. La même attitude aussi. Frances raconte la visite que lui ont rendue les anciens membres de Nirvana (Dave Grohl, Krist Novoselic et le guitariste Pat Smear qui les accompagnait en tournée) : "C'était la première fois depuis un bout de temps qu'ils ne s'étaient pas réunis. Ils m'ont regardée et j'ai vu dans leur regard qu'ils voyaient un fantôme. Dave a dit : 'Elle est tellement comme Kurt.' Ils parlaient entre eux, ressassant des histoires que j'avais entendues des milliers de fois..."
Les premières de confidences de Frances Bean Cobain dans l'édition américaine de Rolling Stones, avril 2015.