Auteur du sulfureux Irréversible et de l'expérimental Enter The Void, Gaspar Noé a dévoilé son quatrième long métrage, Love, en séance de minuit au 68e Festival de Cannes. L'occasion d'évoquer avec cet auteur visionnaire, le film qui a suscité le buzz, l'engouement, voire des polémiques. Au micro de Purepeople.com, Gaspar Noé dévoile sa vision et se raconte.
À la genèse du projet au long cours, "un synopsis qui s'appelait Danger et que j'avais écrit avant Irréversible et même proposé à Vincent [Cassel] et Monica [Bellucci] avant qu'ils ne me disent non", et un ardent désir de montrer à l'écran l'amour. Avec parfois du romantisme, de la sincérité, mais aussi des excès et des trahisons, Gaspar Noé dépeint sa vision de l'amour au travers d'un couple qui s'aime et se déchire. Une expérience charnelle, à défaut d'être excitante. Car oui, Love ne choque pas, quand bien même le sexe y est montré de manière frontale. Et jamais le film ne vire au pornographique gratuit ou à la surenchère. "C'est con, parce qu'à l'arrivée, le film est normal. Il n'y a pas de viols, pas de meurtres, pas des filles avec la chatte rasée qui baisent avec des mecs qui ressemblent à des pompiers surtatoués", nous dit le cinéaste, convaincu que "les images pornographiques auxquelles les enfants ont accès via un smartphone sont autrement plus schizophrènes et déconnectées de la réalité amoureuse. Ils pensent que c'est ça l'amour, faire de la musculation sur un lit avec des gens qui ne ressemblent pas à notre monde". En ligne de mire, il espère que son film n'aura pas l'interdiction aux moins de 18 ans.
Pour lui, le but de son quatrième film était que "le résultat soit touchant et ne sonne pas faux", et soit le plus naturel possible. "Une bite, c'est une bite, une chatte c'est une chatte, lâche-t-il. Je voulais par exemple que les filles aient des poils pubiens et soient sous leurs formes la plus naturelle possible. Ça ressemble à la vie quoi."
Love, un film qui "ressemble à la vie"
Filmer l'acte sexuel sous différentes formes était donc l'un des grands challenges de Gaspar Noé. "Il y a de tout, du vrai comme du faux", nous dit-il lorsqu'on lui demande si les actes sont simulés ou non. Et de nier le fait que Lars von Trier ne simule rien. "C'est comme magicien, il va pas te dévoiler ses passes de magie."
Ambitieux et tenace, le metteur en scène argentin nous avoue avoir "les avantages et les torts d'être maniaque-obsessionnel". Une manière pour lui de montrer qu'il va s'attacher au projet, n'en déplaise à ceux qui refusent de le financer. "On m'a dit, 'écrit d'abord un scénario', j'ai répondu 'non je veux le tourner à partir de ces cinq pages'", raconte-t-il, poursuivant : "Ça a pris du temps, de longues années. Je voulais parler d'amour, de sexe, ça faisait peur aux annonceurs et diffuseurs télé. Je leur disais, 'mais attendez, vous ne vous posez pas les bonnes questions.' Est-ce que vous voulez voir ce film ? Parce que moi c'est un fantasme de voir à l'écran l'amour ou des relations amoureuses et sexuelles que je connais par ma propre vie ou celles de mes amis."
Pourtant, Gaspar Noé savait bien que son projet verrait le jour en France. "Le cinéma américain est bien plus coincé", dit-il, affirmant avoir eu deux propositions de travailler à Hollywood, qu'il a déclinées parce désirant garder le contrôle sur son film. Il aura même la surprise de voir la partie 3D de Love être financée par le CNC. "Je n'ai pas eu dans ma vie d'expériences 3D satisfaisantes si ce n'est Gravity que j'ai vu 7 fois et le vieux Magicien d'Oz qui a été reconditionné en relief", confie celui qui a comme futurs projets, "un documentaire sur un sujet totalement différent" et "l'envie de tourner en Afrique noire".
Christopher Ramoné