Une interview de Gérard Depardieu, c'est la garantie de lire un regard sur le 7e Art, et même la vie, sans concession, sans langue de bois, mais avec autant de tendresse que de sincérité. Studio Ciné Live a pu le rencontrer, alors qu'il reviendra sur les écrans dans Saint Amour. Même s'il n'aime pas tant que ça parler au cinéma, il va se prêter à l'exercice et se confiera avec une franchise déconcertante, notamment sur l'acteur qu'il apprécie et le film qu'il a détesté, ces dernières années.
On n'aurait pas forcément pensé à ce comédien, mais Gérard Depardieu cite Jason Statham comme acteur qu'il aime bien aujourd'hui : "Il ne rigole jamais, il est d'un bloc. Massif, minéral. Il fait un cinéma pas prétentieux. J'aime bien Bruce Willis, mais il est dans le chewing-gum maintenant. Statham, c'est du brut. Je suis toujours encombré par les attitudes et les mimiques des comédiens." Heureux fiancé, la star britannique montre un visage plus drôle, tout en s'amusant de son image de "dur" dans la comédie Spy.
Quand arrive la question "quels films avez-vous détestés récemment ?", Gérard Depardieu répond sans hésiter American Sniper de Clint Eastwood, avec Bradley Cooper dans le rôle du tireur d'élite : "Je n'aime pas ces films où chacun joue à la guerre. Je préfère regarder les infos. American Sniper est une façon naïve de voir la guerre. Tout ce dont j'ai horreur... Eastwood, je le préfère quand il fait l'acteur chez Sergio Leone."
Il préfèrera par exemple There Will be Blood de Paul Thomas Anderson : "C'est l'Amérique, la vraie, la cruelle, non pas celle qu'on voit dans American Sniper. Celle-là est vulgaire, pornographique même..." Star internationale, le comédien français n'est donc pas prêt de tourner devant la caméra de Clint Eastwood. Ce dernier travaille sur une nouvelle réalisation, Sully, avec Tom Hanks, sur les évènements liés au vol 1549 US Airways, en janvier 2009.
Pour quels contemporains de sa profession Depardieu a-t-il des mots élogieux ? Benoît Poelvoorde, son partenaire dans Saint Amour : "Il se donne à 150%. J'ai même parfois peur pour lui, comme les gens ont pu avoir peur pour moi lorsque je donnais l'impression de déborder." Et si Groland et son concept le fatiguent - "On se fout de tout, ça m'énerve" -, il a accepté de tourner de nouveau sous la direction de Benoît Delépine (coréalisateur avec Gustave Kervern de Mammuth et Saint Amour) parce que "c'est un être magnifique. Honnête, à vif, cultivé. Il connaît la douleur, mais ne l'étale pas". Quant à son jeune partenaire Vincent Lacoste, il dira qu'il l'aime beaucoup.
Même Philippe Torreton, acteur qui avait écrit une lettre ouverte et virulente à Depardieu lors de l'affaire de son évasion fiscale, a droit à un compliment, aux accents de vanne, certes, quand le monstre sacré du cinéma parlera de Cyrano : "Il est difficile d'être mauvais dans Cyrano de Bergerac. Même Torreton est bon."
Si on retrouvera Gérard Depardieu au cinéma dans Saint Amour (en salles le 2 mars) ou à travers son autobiographie Innocent (éditions du Cherche Midi), on ne le croisera pas à la rétrospective qui lui est consacrée à la Cinémathèque française jusqu'au 27 février : "Je n'ai pas envie. Le milieu du cinéma est devenu politique, ça m'emmerde. (...) Ça me gonfle. Quand le cinéma arrêtera de cirer les pompes, on verra. J'ai tourné dans deux cents films, je n'ai pas besoin de la cinémathèque. Les expositions de Renoir ou de Truffaut qu'elle a organisées étaient très réussies. Il vaut donc mieux être mort pour y aller."
Retrouvez l'intégralité de l'interview dans le magazine Studio Ciné Live du mois de janvier-février 2016