Au beau milieu de la Saint-Valentin, l'UGC des Halles (Paris) arborait de belles couleurs exotiques et orientales symbolisées par la sublime actrice iranienne Golshifteh Farahani. Derrière cette belle façade a été dévoilé un film qui parle d'émancipation dans le rude contexte d'une guerre en Afghanistan. Le long métrage, intitulé Syngué Sabour - Pierre de patience, est l'adaptation par son auteur (Atiq Rahimi) du roman Prix Goncourt 2008, dont le scénario a été co-écrit par l'éminent scénariste Jean-Claude Carrière. Salué par la critique, Syngué Sabour est porté par une porte-parole aussi charmante qu'engagée, en la personne de Golshifteh Farahani.
L'actrice iranienne, âgée de 29 ans, est en exil depuis 2008, lorsqu'au cours d'une avant-première du film Mensonges d'État de Ridley Scott dans lequel elle joue, la jeune et talentueuse actrice apparaissait tête nue. Une provocation pour les proches d'Ahmadinejad, que la jeune actrice réitéra avec encore plus de violence lors d'une affiche pour les César, laissant paraître un sein nu. Qu'il en soit ainsi, Golshifteh Farahani transpire la liberté et postule depuis à l'incarner dans sa quintessence.
Vue comme "la mère d'Iran" dans son pays, comparée à Elizabeth Taylor par la réalisatrice Marjane Satrapi (avec qui elle tourne dans Poulet aux prunes), Golshifteh Farahani est pourtant adorée dans sa mère-patrie. Après avoir tourné avec les plus grands (Kiarostami, Farhadi), la belle Iranienne a pris son envol et séduit tout autant Paris que Los Angeles. Lorsqu'elle confie à Grazia (numéro en kiosque dès le 15 février) qu'en Iran "la pression de la société et de la religion est si forte qu'il n'y a pas de place pour l'individu", on se dit que la fiction (la jeune rebelle confiant ses secrets dans Syngué Sabour) peut intimement rejoindre la réalité. Lors de l'avant-première, c'est évidemment tête nue que l'on retrouve la star iranienne, radieuse et pétillante, devant l'impératrice Farah Pahlavi (qui fût la dernière épouse de Mohammad Reza Pahlavi, Chah d'Iran, de 1959 à 1980). Tout comme Golshifteh Farahani, l'impératrice est en exil, depuis 1979 et la révolution qui contraignit le Chah à quitter le pays avec sa famille, avant la mort de ce dernier, quelques mois plus tard. Posant toutes les deux devant les photographes, elles forment un duo d'insoumises, symboles de liberté et d'émancipation.
Libération du coeur et du corps, Syngué Sabour - Pierre de patience se déroule au pied des montagnes de Kaboul, où un héros de guerre gît dans le coma alors que sa jeune femme, à son chevet, prie pour le ramener à la vie. Alors que la guerre se fait plus intense, la femme doit fuir avec ses deux enfants, abandonner son mari et se réfugier à l'autre bout de la ville, dans une maison close tenue par sa tante. De retour auprès de son époux, elle est forcée à l'amour par un jeune combattant. Contre toute attente, elle se révèle, prend conscience de son corps, libère sa parole pour confier à son mari ses souvenirs, ses désirs les plus intimes... Jusqu'à ses secrets inavouables. L'homme gisant devient alors, malgré lui, sa "syngué sabour", sa pierre de patience - cette pierre magique que l'on pose devant soi pour lui souffler tous ses secrets, ses malheurs, ses souffrances... Jusqu'à ce qu'elle éclate !
"Syngué Sabour - Pierre de patience", en salles le 20 février.