"On aurait tendance à croire que le mariage d'une rockstar et d'un supermodel est la chose la plus fantastique au monde. Ça l'est." Fou de sa femme Iman (née Abdulmajid à Mogadiscio, en Somalie), comme il ne manquait pas de le dire passionnément en interview à l'image de ces mots confiés à GQ en 2002, David Bowie, mort le 10 janvier 2016 à 69 ans des suites d'un cancer du foie, la laisse orpheline de leur splendide histoire. "Mon mariage, savourait pour sa part le mannequin en 2010 sur le plateau du Nate Berkus Show, est aussi fabuleux que vous pouvez le penser. David est drôle, c'est un homme très curieux, et du coup j'apprends énormément de lui (...) Il continue à lacer mes chaussures tous les jours..."
Étoile polymorphe que tous les mortels pouvaient contempler, c'était, auprès d'Iman, l'astre incandescent qui brillait chaque jour pour elle, avec elle. Même si cet astre était avant tout, à ses yeux, un homme au caractère doux et non un personnage fantasque : "J'ai toujours dit que je suis tombée amoureuse de David Jones, pas de David Bowie, qui n'est qu'un avatar... David Jones, c'est un homme que j'ai rencontré", rappelait-elle en 2013 au quotidien britannique The Guardian, à propos de leur première rencontre (en octobre 1990 lors d'un dîner à Los Angeles) et du fait qu'elle n'était "pas prête à s'engager dans une relation avec quelqu'un comme lui". Qu'elle croyait. Le 6 juin 1992, deux mois après sa discrète union civile, le couple se mariait à Florence, en Italie, sous la pluie. "En Italie, ils disent que ça porte bonheur", lui faisait remarquer dans les années 2000 son amie Naomi Campbell lors d'un entretien pour Hello! ; "oui, reconnaissait alors Iman, les gens disaient : "Tu ne devrais pas te plaindre, vous allez être mariés pendant 50 ans et vivre heureux !" Ils avaient raison."
Presque raison. Après un peu plus de 23 ans de mariage, David Bowie a laissé Iman et leur fille Alexandria (Lexi), 15 ans, mais aussi son fils Duncan Jones (44 ans, issu de son premier mariage, avec Angie), au terme d'un combat de 18 mois contre le cancer qu'il avait gardé secret pour la plupart. Pas pour Iman, bien sûr, qui se tenait à ses côtés et qui y est restée jusqu'au bout. Des échos de l'ultime bataille se sont d'ailleurs propagés sur les comptes de réseaux sociaux du mannequin de 60 ans : "C'est une épreuve réelle, comme celle de Dieu", a posté la top modèle dimanche, le jour de la mort de David. Un seul mot accompagne le message-image, "Rise" ("s'élever"), qu'elle avait déjà utilisé dans de précédentes publications, comme pour signifier qu'il faut, face aux épreuves de la vie, monter vers le céleste et apprendre au-delà des douleurs terrestres...
Le post, qui prend une tout autre envergure a posteriori, a attiré des condoléances par milliers, suite à l'annonce de la disparition de l'artiste, et Iman Bowie, en deuil, n'a plus rien dit depuis, ni sur les réseaux sociaux, ni aux médias - tandis qu'Angie Bowie, la première épouse de l'artiste, apprenait la nouvelle pendant sa participation à une émission de télé réalité (Celebrity Big Brother) et choisissait de rester dans le jeu...
Samedi, déjà, elle écrivait : "Parfois on ne peut pas connaître la valeur d'un moment jusqu'à ce qu'il devienne un souvenir." Et la veille, vendredi : "La vie, ça n'est pas fait pour éviter de se faire mal. C'est un ensemble de cicatrices qui prouvent qu'on est venu pour ça." Ce jour-là, le 8 janvier, on célébrait le 69e anniversaire de David Bowie en même temps que la sortie de son nouvel album sidérant, Blackstar, un disque épitaphe, comprend-on maintenant, précédé de quelques heures par le clip du titre Lazarus. Une vidéo signée Johan Renck (le même réalisateur que pour le clip du single-titre) qui mettait en scène le chanteur sur son lit de mort... "Sa mort n'est pas différente de sa vie : c'est une oeuvre d'art, a observé son producteur, Tony Visconti. Il a fait Blackstar pour nous, en cadeau d'adieu. Je savais depuis un an que c'est ainsi que cela se passerait. Et pourtant, je n'y étais pas préparé. C'était un homme extraordinaire, plein d'amour et de vie."
Sur Twitter et sur Instagram, Iman a méticuleusement reposté certains des messages d'admirateurs et de médias célébrant l'anniversaire de Bowie sans savoir que ce serait la dernière fois... Touchant parmi d'autres, on en remarque un accompagné d'une photo du chanteur avec Tina Turner et reprenant les paroles de Tonight, écrite pour Iggy Pop en 1977 et ré-enregistrée avec Tina en 1984 : "Je t'aimerai jusqu'à ma mort, je te verrai dans le ciel #tonight bon anniversaire monsieur Bowie."
Les premières paroles d'Iman Bowie, nourries par un amour si précieux et si rare dans le star system, ne manqueront pas de provoquer une nouvelle onde de choc et de chagrin, quand elle se sentira prête... On peut compter sur elle, quoi qu'elle décide, pour ne pas altérer la nature exceptionnelle de leur histoire d'amour en divulguant des détails macabres : "Savoir faire la distinction entre ce qui est privé et ce qui est public, voilà ce qu'elle mettait en exergue comme la clé de la longévité de leur couple, peu après leur 20e anniversaire de mariage, sur le plateau de Wendy Williams en 2012. Nous n'avons jamais été photographiés dans notre appartement, nous ne faisons pas de shootings ensemble... La maison, c'est privé."
Réservés sur ce qui relevait de leur intimité, Iman et David Bowie étaient en revanche diserts sur la qualité et la force de leur relation. Non pas qu'ils en parlaient souvent, mais à chaque fois en des termes puissants.
Ce qui, à bien y repenser, n'était pas si étonnant compte tenu des bases fulgurantes sur lesquelles leur romance s'était élancée : "Mon attirance pour elle fut immédiate et universelle, se remémorait en 2000 le rockeur lors d'un entretien avec l'hebdomadaire Hello!. Tellement excité, je n'arrivais pas à dormir après notre premier rendez-vous. Le fait qu'elle allait devenir ma femme, dans ma tête, c'était déjà réglé. Je n'ai jamais, de toute ma vie, poursuivi quoi que ce soit avec autant de passion. Je savais que c'était elle." Déjà, quelques années plus tôt, il avait confié en 1996 (soit quatre ans après leur mariage) au Telegraph : "Quand j'ai rencontré Iman, ça a été instantané. C'était un de ces trucs totalement immédiats. Tellement immédiat, en fait, qu'on a réalisé qu'il faudrait qu'on attende quelques années avant de se marier, histoire d'être sûrs qu'on ne se faisaient pas marcher. Par bonheur, ce n'était pas le cas. Ça a été une telle joie."
En 2013, dans son interview avec The Guardian, Iman corroborait cette version de leur premier rencard, décrivant David comme "transcendé" au point de déjà choisir les prénoms de leurs enfants... alors qu'elle n'était pas forcément prête à s'engager. La suite a prouvé qu'ils avaient eu raison de le faire, et Mme Bowie, près de vingt ans après leur union, donnait un aperçu du fonctionnement de leur couple, sujet à des discordes comme dans n'importe quel mariage, au Harper's Bazaar : "David ne se dispute pas. Il est anglais, alors il reste calme. C'est moi qui crie. Et ensuite il me fait tout le temps rire. C'est comme du cabaret. Moi aussi, je continue à l'amuser. Je craque toujours pour lui - complètement ! - après toutes ces années."
Même son de cloche concernant l'éducation parentale de leur fille : "David est pondéré, sensible et en même temps fun et détendu avec Lexi. Pour la discipline, c'est moi !", avouait-elle à Hello! après la naissance de leur trésor, en 2000 (l'hebdomadaire britannique consacrait sa couverture aux heureux parents et à leur bébé).
"Effroyablement heureux" au point de ne vouloir jamais rien changer dans sa vie, pour reprendre la formule qu'il utilisa en parlant au New York Daily News en 2002, David Bowie laisse un vide effroyablement vertigineux. Pas seulement dans la vie publique...
G.J.