Il y a quatre mois, Fabrice Deville prenait la parole pour annoncer le décès de Laurent, son frère. Le comédien qui incarne Florent, le célèbre avocat du feuilleton Un si grand soleil, a choisi aujourd'hui Purepeople pour évoquer cette épreuve mais aussi son métier de comédien, et celui, très original qu'il exerce en parallèle. L'acteur évoque aussi sa vie de famille et nous fait des révélations à propos du mouvement MeToo !
Vous avez commencé dans le film Soleil, avez joué dans Sous le soleil, et dans Un si grand soleil... Vous aimez prendre la lumière ?
Ahah, j'avais jamais noté cette drôle de coïncidence, mais non, je n'aime pas me mettre en avant. J'aime faire rire, donner de l'émotion, du plaisir aux gens mais je ne fais pas ce métier pour être aimé.
Jouer la comédie, c'est venu naturellement ?
Oui. J'ai toujours aimé les mots, je faisais du théâtre tout petit. J'aimais faire marrer les gens, faire marrer mon frère, jouer au théâtre. Je ne suis pas le meilleur acteur du monde parce que je déconne trop et que je ne suis pas un compétiteur. Mais je me surprends quand même à bien jouer... J'ai beaucoup plus de failles qu'avant qui m'y aident.
Vous attachez-vous au regard des autres ?
Non. Si quelqu'un me dit : "Fabrice il est fade, il est plat". Je m'en fous. La seule chose que ça peut faire, c'est me déstabiliser émotionnellement donc, je mets ça à distance. Je me blinde contre les remarques désobligeantes. En général, je sais si ce que j'ai fait est bien ou mal. Je le sens.
Cinéma, télé, quel est le rôle que vous avez le plus aimé jouer ?
Les rôles dans les films de Jean-Claude Brisseau. Quand j'entends les polémiques sur lui, je pense qu'on ne parle pas du même mec. Brisseau a été super, une super direction d'acteur. Une simplicité dans le jeu.
Le cinéma et la télé sont deux mondes très cloisonnés ?
Un acteur a récemment posté sur ses réseaux cette phrase que lui a balancée une directrice de casting 't'es quand même un acteur très téloche'. Sortir des trucs comme ça, c'est débile. On joue pareil au cinéma et à la télé, c'est juste une question de temps et de moyens. Je ne sais pas qui est la nana, mais c'était une connerie. Mais comme c'est un monde tout petit, personne ne va lui rentrer dedans de peur de se faire blacklister. Moi, à côté de mon métier, j'ai monté une boîte de formation, pour ne pas avoir peur justement.
C'est à dire ?
J'ai monté une boîte de coaching il y a 12 ans et j'accompagne les salariés dans des entreprises dans la gestion de la relation humaine. Comment gérer les demandes négatives ? Comment se connecter à la personne ? Comment se mettre à la place de l'autre ? Comment mieux communiquer ? En ce moment, je travaille avec toute l'équipe d'une concession automobile, la force de vente, les gens de l'accueil, les conseillers accueil mécanique. Je suis dans la vraie vie là, pas dans la fiction. Et je suis heureux d'apporter des choses concrètes aux gens.
Ils vous reconnaissent ?
Pas tant que ça et tant mieux. Alors oui, j'arrive bien sapé avec mon air de Parigot et du coup, ça met la puce à l'oreille et certains se disent qu'ils m'ont vu quelque part, mais on en parle après coup... Alors je fais des selfies pour les grand-parents. (Rires)
Vous regardez des séries ?
Non, pas le temps. Je rentre tard, je me déplace beaucoup. J'ai besoin de repos. Au point que de temps en temps, je me fais même une petite sieste dans la voiture entre deux camions sur une aire d'autoroute. Et dire que certains m'imaginent dans des palaces à Cannes... (Rires) Mais c'est vrai que le temps me manque. Si je dois caler un dîner dans mon agenda, là, ça va pas être avant juillet...
Qu'est-ce qui vous ressemble chez votre personnage, Florent ?
Sa gentillesse même si plus on avance, moins il se laisse faire. Il est sincère et honnête et a une compassion avec ses clients. Il est engagé auprès de ses amis. Les scénaristes lui ont donné plus de relief. Plus comique, plus grande gueule. Ça me va bien.
Et ce que vous n'aimez pas chez lui ?
J'aimerais qu'il se marre plus. Mais je ne lui vois pas de défauts. Il ne trompe pas Claire, il rentre à l'heure, il fait la bouffe, il est sympa avec ses enfants. C'est le mec parfait ! (Rires)
Comme vous ?
Non ! Moi, j'ai un gros défaut, je me braque vite et j'ai du mal à redescendre. Il faut que je bosse là-dessus, que j'arrête d'être chiant comme ça.
Une journée réussie, c'est quoi pour vous ?
Je ne me suis pas levé trop tôt, l'entente était bonne sur le plateau, - mais ça, c'est vraiment toujours le cas, les gens sont super sympas sur Un si grand soleil, c'est incroyable - Une ou deux belles scènes, d'émotion ou d'action. Une bonne poignée de main pour se séparer le soir. Retrouver les copains pour aller boire un verre ou manger un morceau, continuer de rigoler. Ne pas se coucher trop tard. Voilà, la journée est réussie.
Vous qui côtoyez le monde du travail en tant que coach, est-ce que les acteurs sont des collègues comme les autres ?
Il y a moins de générosité chez le comédien, il y a plus de générosité dans le monde du travail, en tout cas chez les gens que je rencontre. Il y a évidemment des comédiens avec qui je m'entends très bien mais il y a toujours cette espèce de petite compétition dans ce métier. Celui que tu vas croiser qui va te dire : "Je pars tourner dans le sud mais je peux pas te dire quoi ni avec qui". Les comédiens, c'est une très chouette population, ils sont drôles, ont le sens du rythme, des mots, du langage, mais ça ne marche que dès lors qu'on n'est pas dans la compète et qu'on a baissé les armes.
Qui sont les acteurs que vous aimez ?
Je ne sais jamais répondre à cette question. Artus, j'adore, Edouard Baer, Fabrice Eboué. Voilà, Fabrice Eboué, j'adorerais tourner avec lui.
C'est un métier où on est régulièrement absent de chez soi. Comment avez-vous organisé votre vie de famille ?
C'est compliqué. Je résume ça avec cette phrase : c'est trouver sa liberté au milieu des contraintes. (Juste à ce moment-là, l'un de ses enfants -il en a quatre, dont deux jumeaux, l'interrompt car il quitte la maison. Fabrice le salue "Bisou mon chat, on se retrouve tout à l'heure...". L'interview reprend...) Mon fils est en deuxième année d'école de commerce et on doit faire un point sur un stage qu'il doit faire. Il ne sait pas ce qu'il veut faire. C'est compliqué.
Quatre enfants, ça doit être compliqué en effet ?
Je suis hyper présent pour eux. Pour ma femme aussi hein, qui m'appelle tout le temps... Mais pour les enfants, moi qui n'ai pas eu de père, je veux être toujours là.
Vous n'avez pas eu de père ?
J'ai perdu mon père quand j'avais 5 ans. Comme j'ai perdu ma mère il y a un an et demi, et mon frère il y a 4 mois, je suis orphelin. J'avance un peu différemment avec tout ça...
Pourquoi avoir décidé de rendre public le décès de Laurent, votre frère ?
Je ne voulais pas que des gens me demandent des nouvelles après coup. Alors j'ai décidé de le dire sur mes réseaux sociaux. Mais oui, la mort de mon frère ça a été... Je ne réalise pas du tout en fait. Je me dis que je vais lui téléphoner tout à l'heure, quand je serai dans ma voiture. Et puis en fait non. C'est ça le plus difficile.
Vous étiez proches ?
Très, même si on ne se ressemblait pas. Je suis plus haut en couleurs, plus fougueux que lui. Il était plus réservé, plus gentil, plus sage. Mais il se marrait à toutes mes blagues, je l'emmenais sur les tournages, j'essayais de lui faire plaisir. Je l'ai peut-être d'ailleurs trop couvé ou lui ai imposé parfois mes points de vue, mais j'adorais passer du temps avec lui.
Comment faites-vous pour affronter cette perte ?
J'essaie d'avancer. Si je laisse mon cerveau vagabonder, il va me tirer vers le bas. Ça n'a pas de sens. Je suis comme un mec sous un abribus. Si je regarde passer le bus, il ne va rien se passer. Il faut que je trouve la force de monter dedans. Ne serait-ce que par respect pour lui, pour ceux qui sont partis. Agir, ça permet au cerveau de se concentrer sur autre chose que des idées négatives. Alors j'agis.
Votre rêve ?
Tourner davantage, explorer différents rôles, je sais que j'en ai la capacité. Et j'aimerais avoir une série à moi, pour porter des gens, un personnage sur la durée. Et pourquoi pas, réaliser des petits trucs, pour faire marrer les gens.
Si on vous dit MeToo, vous avez des révélations à nous faire ?
Oui, c'est qu'il n'y a pas que les hommes qui déconnent. Il y a aussi des femmes. Je connais des cas qui sont problématiques et qui vont être pris au sérieux par certaines productions. Et dans un autre registre, moins sérieux mais qu'il faut quand même considérer, je pense qu'une femme, sur un tournage, ne peut plus aujourd'hui me mettre une main au cul en me disant 'Ca va ma c..... ?' Même si c'est une copine. Même si moi, je m'en fous et que ça me fait marrer. Moi, si je fais la même chose, je suis mort. Alors ça doit être dans les deux sens."