À 83 ans, Juliette Gréco est toujours animée de la même liberté. Singulière interprète à la langue bien pendue, elle a chanté les textes de Jean-Paul Sartre, Raymond Queneau, Jacques Prévert ou Serge Gainsbourg. Elle incarne à merveille la Parisienne et le quartier de Saint-Germain-des-Prés...
Dans le numéro de septembre du Vogue français, qui consacre sa couverture à Marion Cotillard, Gréco revient avec le même franc-parler sur sa rencontre avec Sartre ou Boris Vian, sur les couturiers qui l'ont habillée, de Coco Chanel à Christian Dior, sur les femmes qui l'inspirent comme Sagan... Et nous réserve de croustillantes anecdotes.
En 1950, par exemple, elle se rend à Rio de Janeiro pour chanter : "Toute la presse sud-américaine m'attendait à ma descente d'avion, la rue était noire de monde. Les gens pensaient qu'une chanteuse existentialiste se produisait sur scène entièrement nue... et faisait l'amour avec Sartre sur des tables de marbre." Elle ajoute alors un délicieux : "Le marbre, c'est un peu froid, tout de même."
Pour Anna Mouglalis, qui interpréta Gréco dans le biopic Gainsbourg (vie héroïque), Juliette "a cristallisé énormément de fantasmes sans jamais devenir un objet du désir." L'immense chanteuse, récemment couronnée de la Médaille d'or de la Sacem, a bien trop de caractère pour ça.
C'est ce caractère qui, sans doute, plaisait à tous ces intellectuels qu'elle fréquentait, mais Gréco ne se l'explique pas vraiment : "Je me le demande ! Ma manière de vivre les surprenait, sans doute. J'étais assez infernale !" Infernale, lui demande Vogue ? "Je n'avais pas peur d'interpeller un mec avec mon index en lui faisant signe de s'approcher : venez par ici, vous !" Et pourquoi faire ? "Pour faire l'amour ! Je suis comme ça ! C'est en moi. Et si j'ai 83 ans, il me reste au moins l'audace verbale. Mais vous savez, je vivais avec des garçons et j'avais leur mentalité. Quand je voyais passer une jolie fille, je sifflais !"
Un caractère de garçon qui ne l'a pas empêchée de vivre très tôt des histoires d'amour, comme celle, impossible, qu'elle partagea avec Miles Davis lorsqu'elle avait 20 ans. Aujourd'hui, Juliette Gréco est mariée à Gérard Jouannest.
"Du courage, de la force, et un désintéressement total" sont ce qu'exige sa liberté, dit-elle dans Vogue. Ce qui explique qu'elle soit "beaucoup moins riche" que ses camarades chanteurs, mais elle continue de n'en faire qu'à sa tête. Pour Je me souviens de tout, son récent album, elle a fait appel à Olivia Ruiz, Miossec et Abd Al Malik. Juliette Gréco devrait aussi tourner dans le nouveau film de Lionel Delplanque, au coté de Lambert Wilson.
Découvrez vite l'intégralité de cette interview dans le nouveau de Vogue, en kiosque mardi.