Le vent hollywoodien serait-il en train de tourner ? Alors que les studios continuent de reculer devant le moindre risque et que les phénomènes se suivent et se ressemblent, quelques étoiles montantes remontent à contre-courant, à la recherche d'un cinéma à part. Et pendant que les frontières entre le cinéma mainstream et le milieu indépendant se brisent, cette nouvelle génération d'actrice se place à la croisée des chemins.
Les femmes qui n'aimaient pas les hommes
Il y a quelques mois, Rooney Mara venait sceller son destin avec le role de Lisbeth Salander dans Millénium : Les hommes qui n'aimaient pas les femmes. Métamorphosée en hacker bisexuelle, cette actrice de 27 ans criait haut et fort qu'elle cherchait les réalisateurs à part - une manière de tourner le dos à la machine hollywoodienne, conquise par sa nomination aux Oscars. Le chemin de Juno Temple, 22 ans, est loin de la révélation brutale et explosive de Rooney Mara, mais les deux comédiennes se retrouvent dans la case des marginaux.
Bercée par un père réalisateur et une mère productrice, Juno Temple se lance dans la comédie et décroche des petits rôles dans Chronique d'un scandale (2006) avec Cate Blanchett et Reviens-moi (2007) avec Keira Knightley. Rapide comme un éclair, elle débarque au premier plan dans Cracks (2009) de Jordan Scott, l'histoire d'une institutrice perverse et désaxée, incarnée par la délicieuse Eva Green. La présence de Juno Temple est brute et enragée. Quelques mois plus tard, elle explose littéralement dans Kaboom (2010), bijou pop et désespéré de Gregg Araki où elle incarne une bombe aux yeux de biches. Les dés sont jetés.
Kaboom ! Une star est née
Dans un plan de carrière hollywoodien, un rôle chez Gregg Araki ressemble à un suicide - Rose McGowan est encore marquée par The Doom Generation (1995) et Nowhere (1997). Pour Juno Temple, c'est une révélation dans le bruit et la fureur. Elle enchaîne avec un rôle de tendre traînée dans Dirty Girl (2010) avec Milla Jovovich, d'adolescente paumée dans Little Birds (2011) avec Kate Bosworth, de Lolita siphonée dans Killer Joe (2011) de William Friedkin et de lesbienne dans Jack and Diane (2012). Des rôles doux et amers qui viennent asseoir sa réputation pas ordinaire.
Entre temps, elle s'amuse dans la superproduction Les Trois Mousquetaires 3D (2011) et attire l'oeil de Christopher Nolan, qui lui offre un rôle mystérieux dans The Dark Knight Rises (2012), l'un des blockbusters les plus attendus de l'année.
Hypersexuée à l'écran, Juno Temple est trop étrange pour l'étiquette sex-symbol. Son visage poupin et sa candeur assumée sont contrebalancés par une filmographie décalée, preuve que peu de choses peuvent la faire reculer. À une époque, Scarlett Johansson correspondait à cette idée de la lolita flippante, inconsciente de son pouvoir de séduction mais beaucoup trop sensuelle pour être honnête. Les deux actrices se sont d'ailleurs croisées dans Deux soeurs pour un roi (2008), qui venait achever plusieurs années en demi-teinte pour la muse de Woody Allen. De son côté, Juno Temple ne semble pas encore prête à décevoir.
Geoffrey Crété