C'est ce qu'on appelle faire contre mauvaise fortune bon coeur : la famille royale belge, rassemblée et solidaire au lendemain de l'allocution aux allures d'oraison funèbre du roi Albert II de Belgique, affichait un visage radieux ce jeudi 21 juillet, pour la Fête nationale commémorant l'accession au trône du premier roi des Belges, Léopold. Rassemblée et solidaire... moins le prince Laurent, puni : le benjamin des enfants du couple royal paye le prix de ses frasques multiples, dont une visite délétère en République démocratique du Congo en mars dernier qui a mis les politiques dans l'embarras et agacé son père le roi. Du coup, le vilain petit canard, exclu des cérémonies réservées à la famille royale, a fait bande à part, assistant en début de journée à un concert public sur la place du Jeu de balle en compagnie de son épouse la princesse Claire et de leurs enfants, rivalisant de tendresse pour le réconforter.
Pendant ce temps, le reste de la famille, qui était déjà réunie mercredi soir pour un concert rituel, se trouvait, comme chaque année, sur les bancs des églises pour y écouter les Te Deum chantés en l'honneur de ce jour qui aurait dû être faste : le roi Albert, la reine Paola et la reine Fabiola était en la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule de Bruxelles, le prince Philippe et la princesse Mathilde, absolument superbe dans une robe bleu turquoise satinée, en la Sint-Pieterskerk à Louvain, et la princesse Astrid et le prince Lorenz en l'église Saint-Jean-Baptiste à Wavre.
Difficile pourtant, simultanément à la tenue du sommet de l'euro à Bruxelles, de faire bonne figure en ces temps troublés pour le royaume. Le marasme politique du pays, dépourvu de gouvernement depuis 403 jours (record mondial, série en cours), n'y incite pas, et le roi Albert ne s'est pas privé de laisser paraître son aigreur, son humiliation même, dans son discours, d'une gravité inédite, du 20 juillet. "Affligé par la plus longue durée, de mémoire d'homme, de formation d'un gouvernement", le monarque a conjecturé avec noirceur : "La durée de cette crise suscite (...), dans une grande partie de la population, de l'incompréhension vis-à-vis du monde politique qui n'apporte pas de solution aux problèmes. Cela risque de développer une forme de poujadisme qui est dangereuse et néfaste pour la démocratie." Et, au-delà de l'inquiétude courroucée à l'échelle du pays, il s'est inquiété des répercussions sur le plan européen pour la Belgique, autrefois pierre fondatrice de l'édifice communautaire, aujourd'hui symbole de division, ciblant directement la bataille linguistique et culturelle qui a cours : les citoyens "doivent s'efforcer de favoriser une meilleur entente entre nos communautés en faisant des pas concrets vers l'autre, en parlant sa langue, en s'intéressant à sa culture, en essayant de mieux le comprendre".
Malgré cette humeur maussade, le monarque s'est acquitté, impeccable, de ses obligations du jour, et notamment de la revue des troupes, à 15h, du traditionnel défilé militaire, de 16h à 17h30, ponctué par les hymnes belge et européen. Toute la journée, le parc royal accueillait, comme de coutume, la populaire Fête au Parc et sa kyrielle d'animations.