Le timing de Francis Luyce était impeccable, et l'espoir chimérique qu'il a effleuré, comme il s'en doutait certainement, a provoqué presque autant de remous dans les médias que l'explosion de joie d'Alain Bernard lors de sa victoire sur le 100m nage libre en a générés dans le bassin de Budapest.
D'abord RMC, puis Libé, le JDD et enfin L'Equipe ce dimanche : tout le monde, semblant faire fi de l'incongruité du propos, se faisait l'écho d'un possible... retour de Laure Manaudou à la natation sportive ! Un buzz subitement né comme une vieille nostalgie qui colle au coeur et dont on ne peut se défaire... Un buzz né, surtout, au plus fort des championnats d'Europe 2010, où Frédérick Bousquet, le chéri de la championne de 23 ans à la retraite mais aussi le père de leur fillette Manon née en avril, a magistralement triomphé dimanche, en individuel sur 50m nage libre et en relais sur le 4x100 4 nages. A propos de nostalgie, Laure Manaudou, lors des Euro 2006 à... Budapest, avait raflé 7 médailles dont 4 en or.
Prié de réagir à propos de la moisson de médailles tricolore à mi-semaine, Francis Luyce avait osé ces mots : "Je suis partisan du fait que nous pourrions supposer que Laure Manaudou revienne. Pour Londres 2012, il se pourrait - pourquoi pas - que Laure Manaudou revienne nager au sein de l'équipe de France. Pourquoi pas ? Imaginez-vous Laure Manadou revenir, non pas au top niveau, mais simplement nager de temps en temps nager au sein de l'équipe de France. (...) Je suis de ceux qui sont à 50% convaincu que d'ici Londres 2012, nous pourrions revoir Laure Manaudou (dans les bassins)". L'Equipe, de son côté, rapportait la chimère en ces termes : "Attendons, soyons patients, a déclaré le dirigeant, présent à Budapest pour les Championnats d'Europe. Moi, je ne change pas d'envie, je suis dans les 50% qui pensent qu'elle va et qu'elle peut revenir. Il faut être intuitif quand on est président de fédération..."
La suite s'avérait en revanche beaucoup plus précautionneuse, comme si le dirigeant (rendu euphorique par les performances de la délégation hexagonale en Hongrie ?) avait soudain mesuré la portée de son propos. D'un seul coup, il se mettait alors à évoquer un "voeu" personnel : "Je ne peux pas dire aujourd'hui que Laure Manaudou sera présente à Londres. C'est simplement un voeu. Je n'en ai pas parlé avec elle. Mais je fais passer le message..."
Une envie, un voeu... Francis Luyce n'est sans doute pas le premier à s'y faire prendre. Lionel Horter, l'ancien coach de Laure à Mulhouse, qui n'a jamais fait dans la demi-mesure quand il s'agissait d'envisager avec lucidité "le cas Manaudou", ne réfute d'ailleurs pas cette éventualité : "Si elle a envie de se remettre à l'eau, elle sera accueillie de la meilleure des façons. Mais pour avoir vécu près d'elle les difficultés de la dernière année, si elle décide de revenir, il faudra que ce soit pour de bonnes raisons. En ayant la maturité et l'amour qu'elle aurait dû avoir la dernière année et qu'elle n'a pas eu", a-t-il ainsi réagi, très objectif, auprès de L'Equipe.
Du côté du JDD, qui suit toujours assidûment la trajectoire de la sirène française, on évalue pragmatiquement la faisabilité de la chose. "A une amie proche, elle a récemment confié son envie de replonger, de sculpter à nouveau son corps marqué par l'inactivité et la maternité", écrit le journal. Et de citer son entourage ("Elle a envie de se remettre à l'eau. Elle se pose des questions. Plusieurs scénarios sont envisageables.") pour appuyer l'hypothèse, sous l'égide également de valeureux come-backs de championnes de "mamans" - Flessel, Clijsters...
Pour le JDD, l'option la plus avancée verrait la volonté de Fred Bousquet exaucée, et Manaudou irait s'installer avec lui, qui jusqu'alors s'entraînait sporadiquement aux Etats-Unis, de l'autre côté de l'Atlantique... à temps plein.
Dans la foulée de cette effervescence inattendue, alors que la principale intéressée hante les affichages publicitaires avec la toute nouvelle campagne publicitaire qu'elle sert (pour Cadum : "Tout douche, tout doux, tout Manaudou" - vous aurez noté qu'elle y apparaît en tenue de nageuse, mouillée comme à la sortie du bassin), Paul Leccia, du CNM, et... Philippe Lucas, bien entendu, se disent eux aussi persuadés que Manaudou peut revenir au plus haut niveau.
Autant de turbines qui se sont remises à brasser de l'or Manaudou, comme pour mieux montrer à quel point, même loin, même invisible, même retraitée, Laure est bankable.
D'ailleurs, le JDD nous en apprend quelques-unes de plus concernant le business Manaudou : outre le tournage (en septembre) de programmes courts sur la préservation de l'eau pour Ushuaïa TV (TF1) et une collaboration avec le numéro un de la puériculture Aubert jusqu'en 2012 (portant notamment sur une ligne de vêtements), c'est une... Barbie nageuse à son effigie que le géant Mattel lancera bientôt dans le grand bain ! Soit environ un million d'euros qui, émanant de ces nouveaux partenaires, apportent de l'eau au moulin de la jeune maman.
Et quand le JDD parvient à joindre Me Didier Poulmaire, représentant les intérêts de Laure Manaudou et prompt à se satisfaire de ce regain d'activité commerciale après les départs de gros partenaires (EDF, LPG), la dernière remarque de l'avocat, pourtant limpide, éclabousse de mystère : "elle s'est rendu les moyens de choisir son destin".
Choisir son destin... En 2009, des professionnels et une nation ont attendu, longtemps, qu'elle choisisse son destin - au bout de la réflexion : la décision de sa retraite. Rebelote en 2010 : sans même qu'elle parle, tout le monde est désormais pendu aux lèvres de Laure Manaudou.
G.J.