Parmi les figures de l'opposition aux partis traditionnels et à Emmanuel Macron, il y a Jean-Luc Mélenchon et il y a François Ruffin. Ce Calaisien de 41 ans ne cesse monter en puissance ces derniers mois. Et c'est tout logiquement qu'il a été élu député de la circonscription de la Somme ce dimanche 18 juin. Sous la bannière Picardie Debout, il a remporté son siège face au candidat de La République en marche (LRM), le maire d'Abbeville, Nicolas Dumont, en obtenant 55,97 % des voix.
Une victoire qui offre à François Ruffin sa première expérience de député à l'Assemblée nationale. "Ruffin député ! Le peuple à l'Assemblée ! #PicardieDebout", s'est félicité le gagnant du soir sur Twitter. Grande gueule depuis toujours, François Ruffin a grandi à Amiens, d'un père employé chez Bonduelle et d'une mère femme au foyer, avant d'obtenir une maîtrise de lettres et de se tourner vers le métier de journaliste. Engagé sur le terrain social, il n'hésite pas à faire entendre sa voix, comme en 1999, où il se lève contre la délocalisation d'une usine Yoplait et la mise au chômage de ses 89 salariés, son premier fait d'armes. C'est alors qu'il créé le journal Fakir, qu'il vend à la criée. Dix ans plus tard, ce journal local est devenu national.
C'est encore cette grande gueule que l'on retrouve en 2003 lorsqu'il publie, un an après sa sortie du Centre de formation des journalistes (CFJ), Les Petits Soldats du journalisme, un livre à charge contre les méthodes de maljournalisme enseignées par cette fameuse école, à savoir "recopier l'AFP, produire vite et mal, imiter les concurrents, critiquer les livres sans les lire, ne surtout plus penser, trembler devant sa hiérarchie".
En 2015, il tente de dénoncer par un autre type de média, et se lance dans la réalisation d'un documentaire. Son premier film, Merci patron !, critique acerbe à l'encontre Bernard Arnault, devient l'un des symboles du phénomènes Nuit debout – auquel il participe. Le 24 février 2017, il remporte le César du meilleur documentaire et se distingue en profitant de la remise de son prix pour critiquer vertement la politique gouvernementale face aux délocalisations des entreprises et interpeller le président de la République sortant François Hollande. Quelques jours plus tard, il remettait symboliquement son trophée aux ouvriers de l'usine Whirlpool, opposés à la délocalisation de leur usine en Pologne. Des ouvriers dont il sera la voix populaire, notamment face à Emmanuel Macron, à qui il tient tête lors d'une rencontre le 26 avril dernier et qu'il qualifiera de "futur président déjà haï" dans une lettre publiée dans Le Monde.
Autant dire que dans l'hémicycle, entre lui, Mélenchon d'un côté et Marine Le Pen à l'extrême-droite, l'ambiance risque d'être assez électrique lorsqu'il s'agira de s'opposer au gouvernement d'Édouard Philippe. Mais avant de donner de la voix, François Ruffin a déjà pris une décision ô combien symbolique : "J'ai pris trois engagements auprès des électeurs : me payer au Smic, ensuite avoir un mandat révocable, et si 25% des inscrits de ma circonscription souhaitent que je dégage, eh ben je m'en irai", a-t-il expliqué au micro de RTL.