Contrairement à ce que l'on pourrait imaginer, la passion des mathématiques de son personnage lui a été plus facile à s'approprier que son alcoolisme : "J'étais une bonne élève, j'avais 14 ans en première. Les maths m'intriguent, alors que l'alcool, je déteste : je mange un Mon chéri ou une crêpe flambée, je suis saoule et malade. La drogue, je ne dis pas que je n'y ai pas touché... Mais l'alcool, non. Je ne bois jamais."
Ce qui lui a plu, c'est avant tout le cinéaste derrière la caméra. Car Béatrice Dalle ne lit pas les scénarii. Elle se décrit comme un "soldat qui réclame son dictateur." Et l'actrice a tournée avec une armée d'excellent tyrans comme Michael Haneke, Jacques Doillon, Jean-Jacques Beinex bien sûr pour 37°2 le matin qui l'a révélée,Abel Ferrara, Jim Jarmusch, Christophe Honoré. Mais le cinéaste qui l'a le plus séduite, c'est l'exigeante Claire Denis.
Ensemble, elles ont tourné Trouble Every Day un film de chair évoquant de loin le mythe du vampire, un film sensuel, cru, sur la possession, le désir. Un film avec des gueules comme Vincent Gallo et un Nicolas Duvauchelle impuissant dévoré par Béatrice : "Je l'aime tellement ce film", dit-elle. "Comme tous les films de Claire Denis... Je trouve cette femme formidable. Si j'étais un mec, je l'aurais épousée. Avec ma grande gueule et son intelligence, on aurait pu être présidentes de la République."
Dalle évoque aussi sa réputation d'animal sauvage sur les tournages. Une réputation peu justifiée, Olivier Assayas louait par exemple son professionnalisme, mais c'est comme ça. Sur un plateau, elle effraie comme Guillaume Depardieu avec qui elle partageait l'affiche de Process. L'acteur disparu en octobre 2008 était un ami : "C'était un ange déguisé en diable. Lui aussi traînait une sale réputation. C'était son privilège d'être son ami. Il vous aimait au-delà de ce qu'on peut imaginer. Il était bienveillant sur tout."
Son décès a été un déchirement : "Je ne me remets pas de sa mort. Je ne peux pas regarder une image de lui sans pleurer. Chaque jour, je pense à lui." Toutefois, elle n'est pas venue à ses obsèques.
Télérama évoque enfin le mariage de l'actrice en 2005 avec un prisonnier, Guénaël Meziani (qui avait bénéficié d'un régime de semi-liberté en avril 2009, révoqué quelques semaines plus tard). L'actrice parle alors sans fards son regard sur la prison : "C'est une privation de dignité, non de liberté. N'allez pas croire que je suis contre la prison : je sais parfaitement qu'il faut pénaliser (...) Mais je considère qu'il faut profiter de ce temps de prison pour soigner les gens (...) Militer ? Je n'y tiens pas. Quand mon mari sortira, dans trois ans, j'aurais envie d'être avec lui. J'en aurai soupé de la prison."
Retrouvez l'intégralité de cette interview dans Télérama cette semaine.
Domaine, de Patric Chiha, avec Béatrice Dalle, en salles le 14 avril