Chose promise, chose due : le roi Juan Carlos d'Espagne, face à l'anxiété, la morosité mais aussi l'inquiétude et l'agacement (suscités par le scandale Noos, une affaire de détournement de fonds touchant son gendre), de ses compatriotes et sujets, brisés par une crise économique éprouvante et un taux de chômage de 21,5%, avait assuré que la Maison royale publierait ses comptes en fin d'année : c'est chose faite, par la voie du site officiel de la "casa real", depuis ce 28 décembre 2011.
Le contribuable ibérique, soucieux de savoir à quoi a été employé son écot, a donc accès à la répartition, rendue publique, du budget de la liste civile dont jouit la Maison royale (en l'occurrence, une manne de 8,4 millions d'euros pour l'année 2011) : un procédé inédit depuis 1979 et la prime jeunesse de la monarchie constitutionnelle, mais crucial alors que le scandale Noos, impliquant le gendre du monarque, Iñaki Urdangarin, dans un détournement de fonds, secoue le palais depuis plusieurs semaines. La décision de publier pour la première fois les comptes de la Maison royale (jusque là, seul le montant global était divulgué, pas sa répartition) avait d'ailleurs été annoncée le 12 décembre, simultanément à la mise au ban du mari de l'infante Cristina et son exclusion des activités de la famille royale. C'est ce qu'on appelle, plus encore que de la "transparence", de la communication de crise.
La Maison Royale, qui a mis à disposition des sujets les statuts régissant, via la loi de finances de l'Etat (le budget annuel approuvé par le gouvernement), le financement de la Maison Royale selon l'article 65 de la Constitution, a déjà publié plus tôt cette année l'état du budget 2011, rapporté aux précédents exercices : considérant l'austérité budgétaire générale imposée par le contexte économique, le roi Juan Carlos avait déjà demandé le gel du budget de la famille royale autour de 8,9 millions d'euros après des augmentations successives les années précédentes (reversant même de l'argent au Trésor sur l'exercice 2010), et présenté un budget minoré de 5,2% pour l'exercice 2011 : 8 434 280 euros précisément. Où sont-ils passés ?
Salué par un discours laudatif et gratifié d'une vibrante standing ovation, inédite et très appuyée, au Parlement mardi 27 décembre, alors qu'il inaugurait la 10e législature, le roi Juan Carlos déclare avoir reçu pour sa part de la Maison royale la somme de 292 752 euros en dotation (salaire) et frais de représentation.
L'enveloppe allouée à son fils Felipe, prince des Asturies et de Gérone et héritier au trône, est moitié moindre : 146 375,50 euros.
La reine Sofia, Letizia, princesse des Asturies, ainsi que les infantes Elena et Cristina ne perçoivent pas d'allocation fixe, seuls leurs frais de représentation, variables, sont pris en charge sur les deniers de la liste civile. En 2011, ce montant ne pouvait pas excéder 375 000 euros. A noter qu'un hypothétique prjet de réforme privant de toute dotation les membres de la famille royale n'étant pas directement concernés par le trône (en l'occurrence les infantes Elena et Cristina) avait été évoqué cette année, sans suite. Pour l'instant...
Le communiqué de la Maison royale rappelle par ailleurs que tous les membres de la famille royale sont assujettis à l'impôt, comme n'importe quel citoyen du pays, et s'en acquittent dans les proportions conséquentes. En outre, leurs salaires, diminués de 15% en 2010, avaient été gelés en 2011, à l'instar des émoluments des hauts fonctionnaires, dans le cadre des mesures extraordinaires d'austérité décrétées.
En termes de répartition, trois chiffres sont fournis :
- 9,65% : La part que représentent, sur le budget annuel de la Maison royale (8 434 280 euros cette année), les dotations et frais de représentations des membres de la famille royale, soit 800 000 euros environ.
- 47,89% : La part absorbée par ce qui est de l'ordre du personnel
- 38,83 : La part imputée aux dépenses courantes en biens et services.
Tout en livrant ces éléments, la Maison royale insiste à nouveau sur l'effort de transparence et d'austérité, tandis que les observateurs y voient un geste hautement symbolique : "Même si les critiques et les suspicions ne visent pas le roi ni le budget de la Maison royale mais davantage les activités de son gendre, note la spécialiste de la famille royale Pilar Urbano, il se sent moralement dans l'obligation de faire un geste de transparence."
S'il a stigmatisé le comportement apparemment "pas exemplaire" de son gendre, le roi, lui, entend bien montrer l'exemple et continuer à mériter cette estime flatteuse qui lui est accordée, au bout de 36 ans de règne.