Sale temps pour Iñaki Urdangarin. Visé dans un scandale de détournement de fonds, le mari de l'infante Cristina d'Espagne aura à peine eu le temps de déléguer officiellement à son avocat sa communication de crise et de s'émouvoir du préjudice causé à la famille royale que celle-ci s'en désolidarise déjà.
Depuis quelques semaines, comme nous vous le relations en novembre, les médias se sont emparés, en même temps que la justice du royaume, d'un dossier très embarrassant pour le gendre du roi Juan Carlos Ier, et, partant, pour le monarque et la maison royale, peu habitués à être éclaboussés par ce genre de scandale : l'affaire Noos, du nom d'un institut de mécénat que le duc de Palma de Majorque présida de 2004 à 2006.
L'ancienne gloire du handball ibérique, qui, outre une carrière exceptionnelle en club, conquit deux fois le bronze olympique en trois participations aux JO avec l'équipe nationale (1992, 1996, 2000 - avec le brassard de capitaine), s'est fait rare en public, comme nous l'avions bien noté, depuis que la justice espagnole a ouvert une enquête, confiée au bureau national anti-corruption, concernant notamment l'utilisation des quelque 2,3 millions d'euros facturés par l'Instituto Noos pour l'organisation en 2005 et 2006 du Forum des Iles Baléares, rendez-vous international dédié au tourisme et au sport. Agé de 43 ans, père de quatre enfants (Juan Valentin, 12 ans, Pablo, 10 ans, Miguel, 9 ans, Irene, 6 ans), charismatique et jusque-là respecté, Iñaki Urdangarin, qui vit depuis 2009 à Washington avec sa famille, va devoir s'expliquer sur les sommes exorbitantes encaissées par l'institut Noos, après qu'une perquisition menée dans les locaux de l'association sur mandat du juge José Castro s'est soldée par la collecte d'éléments semblant corroborer le détournement de fonds publics et privés au profit de sociétés appartenant à Iñaki Urdangarin et son associé Diego Torres, déjà inculpé dans ce dossier. Factures gonflées ou carrément fictives, argent public reçu en "quantité totalement disproportionnée" et versé à un réseau de sociétés aux activités imaginaires, le parquet semble avoir déterré de vilains secrets, et l'étau se resserre autour du gendre du roi...
Le roi prend ses distances avec son gendre...
Et si la présomption d'innocence s'applique naturellement à celui qui, après sa carrière sportive, se reconvertit avec un cursus en gestion des affaires validé à la prestigieuse ESADE (Escuela Superior de Administración y Dirección de Empresas) de Barcelone, le scandale embarrasse tout le monde. Le roi au premier rang, alors même que la famille royale est sous le feu des critiques pour sa liste civile annuelle s'élevant à plus de 8 millions d'euros, tandis que le pays vit une crise économique terrible.
Au point que, malgré les excuses formulées samedi par l'incriminé pour le "grave tort" causé à la famille royale, il a officiellement été désavoué lundi par la maison royale, qui a exclu le duc de Palma des activités officielles de la famille royale. Fait accablant : tout en réaffirmant la nécessité de respecter la présomption d'innocence, Rafael Spottorno, chef de la maison royale, ne s'est pas privé de remarquer que le comportement d'Iñaki Urdangarin "ne paraît pas exemplaire". Pas vraiment ce que l'on pourrait appeler "se serrer les coudes"...
L'intéressé, qui a accepté sans broncher cette mise au ban, avait pourtant tenté de faire amende honorable quelques heures plus tôt. Samedi, l'époux de l'infante Cristina avait fait part de ses regrets face à la situation dans un entretien avec l'agence de presse EFE : "Au vu de l'accumulation dans les médias d'informations et de commentaires concernant mes activités professionnelles, j'aimerais souligner combien je regrette qu'ils portent une grave atteinte à l'image de ma famille et de la Maison de Sa Majesté le roi, qui ne sont en rien liés à mes activités privées (...) J'ai nommé en tant que mon conseiller juridique et porte-parole Don Mario Pascual Vives, avocat au barreau de Barcelone, qui sera l'unique personne autorisée à parler en mon nom." Le conseiller en question s'est déjà manifesté, affirmant lundi que M. Urdangarin était "inquiet, accablé et un peu indigné" par la tournure des événements.
Si l'implication d'Iñaki Urdangarin devait être avérée, les conséquences pourraient être extrêmement fâcheuses, alors que le train de vie de la famille royale est à l'épreuve et que celle-ci a promis de publier à la fin de l'année le détail de ses dépenses. Si le budget de la liste civile avait été revu à la baisse en 2011 (8,434 millions d'euros contre 8,896 en 2010, soit une diminution de 5,2%), l'agence Europa Press évoquait récemment une possible refonte de la famille royale, qui envisagerait selon elle d'exclure de la maison royale tout membre autre que le couple royal et le ménage héritier, directement liés au trône. Dans cette perspective, le roi (Juan Carlos), la reine (Sofia), le prince héritier (Felipe), son épouse (Letizia) et leurs enfants seraient les seuls membres officiels ; Elena et Cristina d'Espagne demeureraient infantes, mais n'auraient plus ce statut et ne percevraient plus de dotation du gouvernement - ce qui est déjà le cas des soeurs du roi, les infantes Margarita et Pilar. Le palais de la Zarzuela a admis que l'idée avait été un temps envisagée, mais a affirmé qu'elle n'est pas à l'ordre du jour.