Quelques semaines après la parution de son livre autobiographique Ma part de Gaulois (août 2016, éditions Actes Sud), dans lequel il raconte son éducation littéraire dans une cité de Toulouse et relate entre autres les moqueries des Maghrébins de son âge qui voyaient en lui un "intello traître", Magyd Cherfi, 53 ans, s'est entretenu dans les pages de l'hebdomadaire L'Obs pour parler politique, s'épancher sur son enfance ou bien encore évoquer sa famille.
Cadet d'une fratrie de sept enfants, le chanteur du groupe Zebda a été élevé par une mère aimante et tyrannique qui a tout fait pour que sa progéniture réussisse à l'école. Dans son ouvrage, l'artiste franco-algérien explique ainsi que sa réussite scolaire lui a valu d'être pointé du doigt par ses camarades. "Ils respiraient le dégoût d'eux-mêmes, celui d'être arabes, pauvres et damnés, et me faisaient payer de ne pas l'être autant qu'eux", lit-on dans Ma part de Gaulois. Il développe auprès de L'Obs : "J'avais un niveau scolaire assez haut alors que mes potes ont été largués (...) dès le CP. Ils étaient dans l'échec, et moi dans une espèce de réussite. J'en faisais des tonnes. Un divorce s'opérait entre eux et moi", explique-t-il.
C'est ici que Magyd Cherfi parle de sa maman en dévoilant d'étonnantes anecdotes. "Elle m'a traqué, fliqué, frappé pour que je réussisse à l'école. Un 5 sur 10 au lieu d'un 9 ? Une baffe. Au collège, elle disait au proviseur : 'Je veux qu'il soit le meilleur.' Tous les trois jours, elle envahissait l'administration, harcelait tout le monde, de la moindre petite secrétaire au sous-directeur. Elle criait mon nom. Magyd ! Tout le monde me connaissait. Elle exigeait que je sois collé tous les mercredis de l'année", ajoute-t-il.
Après la seconde, il n'y avait plus d'Arabes au lycée
Studieux et passionné de lecture, Magyd Cherfi admet que ses frères et sa soeur n'ont pas été logés à la même enseigne. "Un jour ma mère m'a dit : 'Ne crois pas les mères qui disent qu'on aime tous ses enfants pareil, c'est des menteuses. On en aime un. Moi, c'est toi.' Putain ! J'avais 14, 15 ans. Elle me dit : 'Pour les six autres, j'étais crevée. Le premier, je l'ai raté.' Elle voulait dire qu'elle avait raté son suivi scolaire. A l'époque, il y avait la cinquième de transition, où presque tous les Arabes sautaient pour rejoindre les métiers du bâtiment. Après la seconde, il n'y avait plus d'Arabes au lycée. Mon frère explose à la première barrière. Il fait maçon. Ma mère s'arrache les yeux et la tête, elle jette mon frère contre le mur. Une autre façon pour elle de s'auto-mutiler", poursuit-il. Lorsqu'il obtient alors son baccalauréat, la mère de Magyd Cherfi lui dit pour la première fois "mon chéri" en français. Une grande séquence émotion pour le duo mère-fils. "Son engagement pour moi n'était pas un don, c'était un deal. Ma mère me signifiait : 'Tu dois rembourser. Tu vas me rendre ma féminité, ma dignité, tout ce qui m'a manqué'", conclut-il ce chapitre.
Découvrez l'intégralité de l'entretien de Magyd Cherfi dans l'hebdomadaire L'Obs daté du 20 octobre 2016