En janvier 2019, le Guide Michelin décidait de retirer la troisième étoile de l'établissement La Maison des bois, à Manigod, au chef Marc Veyrat. Depuis, ce dernier ne s'est toujours pas remis de cette décision, qu'il juge humiliante et infondée. Rongé, il a pensé au suicide.
"Je ne la digérerai jamais. Je suis persuadé que le Michelin n'est pas venu me contrôler à La Maison des bois. Aucun inspecteur ne m'a présenté sa carte. (...) J'ai près de 70 ans, j'ai plus de cinquante ans de cuisine derrière moi, j'ai formé de nombreux chefs devenus étoilés et on veut me faire retourner au CP. On n'enlève pas la troisième étoile à Marc Veyrat, interdit ! On peut me la remettre, la douleur restera éternelle et indélébile. Le Michelin ne pourra jamais réparer le mal terrible qu'il m'a fait", clame le chef auprès du Point.
Marc Veyrat porte des accusations graves, mais qui font écho à un récent reportage télé de Complément d'enquête, diffusé en mars dernier, dans lequel un ancien inspecteur du Guide Michelin mettait en cause la stratégie marketing du livre rouge. Il reconnaissait alors qu'il y avait certains établissements "dans lesquels on n'a pas mangé depuis dix ans" et affirmait qu'il n'y avait que... "cinq inspecteurs sur le terrain" ! Alors que le chef avait glané sa troisième étoile l'an dernier, a-t-il réellement été visité l'année suivante ? Le Guide Michelin affirme que oui et avance deux arguments à cette perte d'étoile : une "simple tranche de cheddar" jugée insuffisante dans un plat et une "saint-jacques cotonneuse" dans un autre. Dans les deux cas, Marc Veyrat balaye les arguments d'un revers de la main.
Attaqué au coeur, Marc Veyrat n'arrive pas à surmonter l'offense alors même qu'il jure que son chiffre d'affaires est en hausse de 10%. "Je suis en dépression depuis le 20 janvier. (...) Vous imaginez la honte que j'éprouve : je suis le seul chef de l'Histoire à avoir décroché une troisième étoile et l'avoir perdue l'année suivante. Tous les matins, je me réveille avec ça en tête. Je suis à bout, j'ai du mal à dormir, je ne mange quasiment plus, je pleure, je fais des malaises. J'ai dû faire une cure pour me soigner et je prends des médicaments. J'ai eu des idées noires. J'ai envisagé le pire. Ça m'est passé par la tête à plusieurs reprises. J'ai voulu rejoindre mon copain Bernard Loiseau [mort en 2003, NDLR] là-haut. Ma compagne a eu peur, elle a caché mes cachets, mes fusils de chasse... Si je suis encore là, c'est grâce à elle et au soutien de mes quatre enfants", a-t-il confié.
Thomas Montet