Marina Ovsiannikova, son nom est désormais dans les médias du monde entier. Cette employée de la chaîne de télévision russe Pervy Kanal a fait irruption pendant un journal télévisé pro-Kremlin pour dénoncer l'offensive en Ukraine lancée par Vladimir Poutine. Elle a été libérée ce 15 mars 2022 avec une "simple" amende de 30 000 roubles (environ 250 euros au taux actuel), après son arrestation qui a suscité une indignation internationale, indique l'AFP. Mais les problèmes sont loin d'être finis pour cette femme de 43 ans et mère de deux enfants, puisqu'elle risque toujours des poursuites pénales passibles de lourdes peines de prison, aux termes d'une récente loi réprimant toute "fausse information" sur l'armée russe.
Après l'audience, pendant laquelle elle a refusé de reconnaître sa culpabilité, Marina Ovsiannikova a dit vouloir "se reposer" après cette épreuve "très difficile". "Il s'agit de jours très difficiles dans ma vie, j'ai passé près de deux jours sans sommeil, l'interrogatoire a duré 14 heures", a-t-elle dit dans une brève déclaration à la presse. "Je n'ai pas eu le droit de parler avec mes proches, ni eu accès à une assistance juridique, et c'est pourquoi j'étais dans une position très difficile", a-t-elle ajouté. "Aujourd'hui, je dois me reposer".
De fait, le plus dur pourrait être à venir pour la nouvelle égérie des opposants russes à l'opération militaire de Moscou en Ukraine. L'audience de mardi n'était en effet pas directement consacrée à l'action de Marina Ovsiannikova sur Pervy Kanal, mais à une vidéo diffusée parallèlement sur internet dans laquelle elle dénonce l'entrée des troupes russes en Ukraine. Marina Ovsyannikova risque encore, pour cette intervention en direct, des poursuites au pénal passibles de lourdes peines de prison. Dans le cas où elle serait poursuivie pour publication "d'informations mensongères" sur l'armée russe, la journaliste et productrice risque jusqu'à 15 ans d'emprisonnement, ce que craint son avocat. La simple utilisation du mot "guerre" par des médias ou des particuliers pour décrire l'intervention russe en Ukraine est passible de poursuites, le Kremlin et ses médias utilisant le terme d'"opération militaire spéciale".
Signe que l'action de protestation de Marina Ovsiannikova a déplu au sommet du pouvoir, le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a dénoncé mardi un acte de "hooliganisme". L'acte de Marina Ovsiannikova est d'autant plus notable qu'il est de plus en plus difficile pour les Russes d'exprimer leur opposition. Dans sa vidéo enregistrée avant sa soudaine apparition devant les caméras, cette personnalité de père ukrainien et de mère russe a expliqué son refus de voir la Russie et l'Ukraine comme des ennemis et regretté d'avoir fait la propagande du Kremlin ces dernières années sur la chaîne Pervy Kanal : "J'en ai très honte aujourd'hui."
Le courage de cette productrice de télévision qui a critiqué l'opération militaire de Moscou en Ukraine et dénoncé la "propagande" des médias contrôlés par le pouvoir a été salué dans le monde entier. Le président Emmanuel Macron est même allé jusqu'à se dire prêt à lui offrir "une protection consulaire", soit à l'ambassade, soit en lui accordant l'asile.