Mathieu Bastareaud au Stade de France à Paris en février 2015. © Abaca
L'heure des confessions a sonné pour Mathieu Bastareaud. L'étiquette de rugbyman tourmenté toujours bien accrochée à son maillot, le trois-quarts centre du RC Toulon a choisi de se raconter dans un livre, Tête haute (Ed. Robert Laffont). Ses excès, sa tentative de suicide et la fameuse nuit de juin 2009 où sa carrière a basculé... l'international français n'élude rien dans cet ouvrage dont les bonnes feuilles sont publiées par le Journal du dimanche.
La nuit où tout a basculé
Il a fait trembler le rugby français à tous les niveaux. Dans la nuit du 20 au 21 juin, alors qu'il est en pleine tournée d'été avec les Bleus, Mathieu Bastareaud dit avoir été agressé à la sortie d'un bar en Nouvelle-Zélande. Sauf qu'il s'agit d'un gros mensonge, Bastarocket ayant simplement chuté dans sa chambre d'hôtel après... une nuit trop arrosée. "Je rejoins ma chambre dans un état pas très glorieux, avoue-t-il dans le livre. Puis, en voulant ôter mes vêtements, je perds l'équilibre. Je titube et, par maladresse, je m'écroule sur le sol de tout mon poids. Dans ma chute, je fracasse la table de nuit de la chambre. Le choc est terrible. Je saigne un peu. J'ai mal, ma pommette gauche est explosée. Mais, surtout, je panique."
Car Mathieu Bastareaud (26 ans) est "jeune" et ne veut pas griller une carrière en Bleu encore naissante. "Que faire ? (...) J'aurais dû avouer : 'J'étais bourré.' Mais je ne suis pas fier de ma conduite et j'ai peur d'être sanctionné. Je suis lâche. Alors, au lieu de dire la vérité et de faire confiance à l'encadrement, je vais élaborer un mensonge qui aura de lourdes conséquences." Car la suite, c'est un incident diplomatique entre la Nouvelle-Zélande - qui s'était d'abord excusée pour l'agression - et la France. Sur le banc des accusés, le joueur qui évolue alors au Stade français bascule définitivement dans la dépression : "Cela a été terriblement violent. (...) J'étais déjà mal dans ma peau avant de partir en Nouvelle-Zélande, autant dire que cela a accentué mon état. Je me sentais inutile. Je voulais disparaître, tout simplement."
"Je me suis tranché les veines"
Déjà "fragile" et "angoissé" - ado, il a fait des crises de boulimie -, Mathieu Bastareaud veut alors commettre l'irréparable. Un soir, seul dans sa chambre, il fait alors une tentative de suicide après être tombé sur une page web où des anonymes lui déversaient un torrent de critiques. "Je me suis levé d'un bond, je me suis dirigé d'un pas décidé vers la cuisine. J'ai saisi un grand couteau et je me suis tranché les veines. Je me suis aussitôt écroulé sur le sol, tombant dans les pommes. Mes potes dans le salon ont tout de suite compris. Ils ont vu le couteau, le sang, et moi étendu sur le sol, évanoui. Ils ont immédiatement appelé les secours", se souvient celui qui fut alors hospitalisé pour de "graves troubles psychologiques".
Mathieu Bastareaud voulait-il vraiment en finir ? "Je ne sais pas si je voulais réellement mourir. En tout cas, je voulais me faire souffrir. Souffrir pour me punir. (...) Quand tu entends partout à longueur de journées que tu n'es qu'un minable, qu'en gros tu ne mérites pas d'être là (...) tu as beau faire le mec détaché, tu commences à le croire. (...) Je souriais en public mais, sitôt revenu à la maison, j'étais seul", analyse le Français d'origine guadeloupéenne dont la cicatrice est désormais cachée sous de nombreux tatouages.
Dépression, vodka Red Bull et séances de psy
Sur le terrain, Mathieu Bastareaud finira également par s'écrouler sous le poids du spleen. Le rugbyman ne devient plus que l'ombre de lui-même au Stade français. "Que l'on perde ou que l'on gagne, j'allais faire la fête après le match, écrit-il. Oh, rien d'exceptionnel. Je me rendais au Café Oz, à Châtelet, mon repaire dans le centre de Paris, pour descendre quelques verres de vodka Red Bull. Mon unique but : m'amuser et, si possible, finir la soirée avec une fille." Pendant ce temps, ses parents souffrent de voir leur fils partir en vrille. À commencer par sa maman Dania. "Elle s'est parfois sentie impuissante", dit-il dans Libération.
Mais heureusement, Mathieu Bastareaud a fini par sortir la tête de l'eau. Parti à Toulon en 2011, loin des tentations parisiennes, le trois-quarts centre a retrouvé son jeu et les Bleus en 2013. Et ce grâce à une psychologue. "Ma parole s'est libérée. Je le dois en grande partie à Meriem Salmi, psychologue à l'Institut national du sport, de l'expertise et de la performance (INSEP) (...). J'adore parler avec elle. Elle lit en moi comme dans un livre. (...) J'ai enregistré des séances sur mon téléphone. La nuit, quand j'ai un moment d'angoisse ou que je tourne en rond à la maison, j'écoute Meriem", reconnaît-il, alors que personne au RC Toulon n'est au courant. Nul doute que ce livre l'aidera aussi à garder la Tête haute.
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