Toute une famille d'artistes est en deuil et le public va désormais s'associer à son chagrin : Maurice Barrier, qui au cours de cinq décennies a collectionné les rôles sur les écrans et sur les planches, est mort dans la nuit du samedi 11 au dimanche 12 avril 2020 à l'hôpital de Montbard (Côte-d'Or), non loin du village de Montréal, dans l'Yonne, où il était installé depuis les années 1960. Agé de 87 ans et déjà en proie à des difficultés pulmonaires, il n'a pas survécu au coronavirus, qu'il a contracté en milieu hospitalier.
Sa femme, l'actrice Hélène Manesse, a indiqué à France 3 Régions Bourgogne France-Comté que Maurice Barrier était hospitalisé depuis un mois et avait passé trois semaines à l'hôpital de Semur-en-Auxois - où ses obsèques seront célébrées mercredi 15 avril - avant d'être transféré dans un centre de rééducation à Montbard. Hélène Manesse est la soeur du peintre Claude Manesse et du comédien Philippe Manesse, lui-même étant le père de l'auteur et comédien de théâtre Jérémy Manesse, du comédien et metteur en scène Timothée Manesse et de la chanteuse Sarah Manesse (finaliste du télé-crochet X Factor en 2011 et vue depuis dans des comédies musicales telles que Sister Act ou Grease).
Jérémy a aidé l'épouse du défunt à communiquer la triste nouvelle via les réseaux sociaux : "Vous connaissiez sans doute Maurice Barrier pour ses rôles dans Coup de Tête ou Les Fugitifs au cinéma, ou dans Vol au-dessus d'un nid de coucous ou Douze hommes en colère, au théâtre, a-t-il écrit sur Twitter. Il était aussi mon oncle, le mari d'Hélène Manesse, ma tante. À 87 ans et alors qu'il faisait face à des difficultés pulmonaires, il a attrapé le coronavirus à l'hôpital et ne s'en est pas remis. Hélène souhaite que ceux qui l'ont connu dans le métier soient informés de son décès, n'hésitez donc pas à relayer l'information."
Le jeune homme n'a pu résister à partager quelques souvenirs très personnels de son oncle, en particulier celui des parties de tennis "au cours desquelles il jurait à en faire rougir un Connors ou un McEnroe au point que son éternel partenaire de jeu s'excusait souvent auprès des joueurs des cours voisins", avant de remercier ce lundi 13 avril tous ceux qui ont eu un mot ou une pensée chaleureuse en ces moments difficiles : "Un IMMENSE merci pour tous vos mots gentils, j'ai abandonné l'idée de réagir à tout ce qui a été posté ici et sur Facebook, mais cet énorme élan d'amour est transmis à la famille, n'en doutez pas", a-t-il réagi. Avant, peut-être, d'aller revoir Coup de Tête, "un de [ses] films préférés et celui où [il] préfère revoir", Maurice Barrier et Patrick Dewaere.
Né dans la Sarthe, Maurice Barrier avait fait ses débuts au cinéma en 1966, la trentaine passée, dans la peau et la cape de D'Artagnan pour La Prise de pouvoir par Louis XIV de Roberto Rossellini et avait ensuite fait des apparitions en 1970 devant la caméra de Michel Deville et de Jean-Paul Rappeneau avant d'intégrer la distribution d'une comédie culte : dans Le Grand blond avec une chaussure noire (1972) d'Yves Robert, avec Pierre Richard, il incarne l'un des agents du colonel Toulouse, joué par Jean Rochefort. Il retrouvera d'ailleurs rapidement Yves Robert et Jean Rochefort pour Salut l'artiste (1973), mise en abyme de l'aventureux métier d'acteur de second plan, apparaissant la même année dans des petits rôles dans Le Gang des otages d'Edouard Molinaro, L'Histoire très bonne et très joyeuse de Colinot Trousse chemise de Nina Companeez (avec Francis Huster, Brigitte Bardot, Bernadette Lafont ou encore Francis Blanche), et Deux hommes dans la ville de José Giovanni, avec le duo Jean Gabin-Alain Delon. Il sera même, peu après, le complice de Delon dans Le Gitan, à nouveau de José Giovanni, après l'avoir recroisé la même année (1975) dans Flic Story de Jacques Deray - lequel lui offrira au fil des ans de jolis rôles secondaires : "Le Mammouth" dans Le Gang (1977), film de braqueurs encore porté par Alain Delon, "Tonton" le taulard dans Le Marginal (1983) face à Jean-Paul Belmondo ou encore On ne meurt que deux fois (1985), avec Michel Serrault et Charlotte Rampling . En 1979, ce sont d'autres retrouvailles, avec le réalisateur Jean-Jacques Annaud cette fois, qui l'avait dirigé quelques années plus tôt dans La Victoire en chantant et qui fait de lui Berri, le patron du troquet Le Penalty dans Coup de tête, avec Patrick Dewaere.
Maurice Barrier recroise également l'inénarrable François Pignon (Pierre Richard) pour Les Compères (1983) et Les Fugitifs (1986) de Francis Veber, côtoyant par la même occasion Gérard Depardieu, donne la réplique à Bernard Giraudeau dans Les Spécialistes (1985) de Patrice Leconte et joue la même année un gitan pour Gérard Jugnot dans Scout toujours..., avant de tourner pour Bertrand Tavernier dans La vie et rien d'autre (1989), nommé onze fois aux César.
Une galerie de seconds rôles au cinéma qui se conjugue, tout au long de sa carrière, avec une présence constante à la télévision entre séries et téléfilms, où le public le voit aussi bien dans Les cinq dernières minutes, Les enquêtes du commissaire Maigret, Les dossiers de l'écran ou Les nouvelles brigades du tigre que dans L'Instit, La Crim' et Louis la Brocante.
En marge de ce riche parcours sur les écrans, Maurice Barrier a mené une carrière intensive au théâtre, d'ailleurs couronnée par le Molière 1998 du Meilleur comédien dans un second rôle pour Douze hommes en colère, dans une mise en scène de Stéphan Meldegg, après avoir beaucoup joué sous la direction de Roger Planchon au théâtre national de la Colline au début de la même décennie. Il s'est même signalé dans le registre du spectacle musical, par exemple en Jean Valjean dans Les Misérables par Robert Hossein.
Les équipes de France 3 Bourgogne avaient eu l'occasion, en janvier dernier, d'aller à la rencontre de Maurice Barrier, chez lui à Montréal, son village qu'il aimait tant pour "sa chaleur" et sa beauté. Il en était même devenu depuis 2006 la voix, signalent nos confrères, qu'il avait enregistrée pour le spectacle historique annuel Montréal en lumière.
GJ