The Absence commence par une présence d'une absolue sensualité : on l'avait laissée à demi-nue dans une crique sauvage pour une séance photo dont est tiré le visuel de son nouvel album, Melody Gardot réapparaît au Brésil, dans de tendres volutes de bossa nova, sirène évanescente s'abandonnant dans les bras d'un apollon ou communiant avec la magie d'un décor plein de vie et de couleurs...
Mira, premier single du nouvel album métissé de la diva américaine de 27 ans, tient toutes les promesses dont The Absence (à paraître le 28 mai 2012) est porteur, nourri des pérégrinations de l'héroïne jazz sauvée par la musique, "des déserts du Maroc aux bars à tango de Buenos Aires, des plages du Brésil aux rues de Lisbonne".
Musicalement, Mira est un mirage sonore, où l'on se perd dans la douceur solaire d'autres latitudes, habitée par une voix toujours plus caressante qui transorme le mot "mira" en déclencheur onirique : entremêlant les langues, mariant une certaine langueur jazz et un esprit de fête tropical, Mira, au départ susurré et au final comme une incantation zen, transporte l'auditeur dans une sensation de plénitude instantanée, rasséréné de cette "joie" que l'Américaine chante.
Visuellement, Mira est un miracle. Le clip qui accompagne le morceau respecte à la lettre la dimension de carnets de voyage de l'album The Absence autant que la prédominance du regard mise en scène par ce single (dès son titre) : celui de Melody Gardot est insaisissable, mais ramène une foule d'images colorées, de la chambre de ses amours aux chemins des favelas de Rio de Janeiro, de son suave compagnon hâlé aux enfants qui jouent, le temps d'une journée, du lever du soleil au coucher du soleil. Mis en abyme dès les premiers instants du clip, où l'on observe une séance de développement en chambre noire, l'album photo s'étale sous nos yeux tout en couleurs, en lumière, en vie, en visages. De scènes intimes - Melody Gardot plus troublante que jamais, amoureuse passionnée en déshabillé transparent et lingerie noire, apparition baignée de lumière dans l'embrasure d'une fenêtre - en scènes de liesse - fière beauté derrière ses lunettes et sous son chapeau ou initiée à la fête par son partenaire, sans que la canne héritée de sa rencontre presque fatale avec une Jeep Cherokee en 2003 ne soit encombrante -, une enivrante première étape dans le périple de The Absence. Et, aussi, une manière sans doute de montrer comment la musique, sa thérapie, lui a sauvé la vie après l'accident : dans "Mira, look what you do to me", il faut voir, plus que la romance d'un homme et d'une femme, le grand amour de l'auteure avec la musique, source d'une nouvelle vie lorsqu'elle s'est retrouvée clouée un an sur un lit d'hôpital et a dû tout réapprendre de zéro. Pas anodin, sous cet angle, d'avoir choisi des contrées pétries de musique "tripale"...
Le dépaysement, magique, ne devrait pas faire regretter le voyage aux fans du premier album, My One and Only Thrill (Who will comfort me ?, Baby I'm a fool, Your heart is a as black as night). "Une grande partie des histoires sur ce disque proviennent de mon vécu, mais aussi de l'observation des gens, de la vie avec eux, la joie et la tristesse au hasard des petits moments. C'était réellement une connection mutuelle", décrit Melody Gardot - jeudi en concert privé RTL en France, avant son retour à l'été - à propos de The Absence, composé de douze titres qui cristallisent les atmosphères et les sons des lieux qui les ont inspirés. Une définition qui s'applique sans l'ombre d'un doute à Mira.
G.J.