Jusque dans les dernières heures précédant la célébration à Oslo, là où leur amour fut consacré il y a dix ans, de leurs noces d'étain ce 25 août 2011, le prince héritier Haakon de Norvège et son épouse la princesse Mette-Marit, tous deux 38 ans, auront laissé le public observer l'alchimie qui existe entre eux et qui a permis à leur idylle de surmonter, mieux : d'exorciser les controverses. De la mesure, de la simplicité, de la complicité : la première est l'apanage obligatoire des têtes couronnées, la deuxième est une qualité que toutes n'ont pas, la troisième est l'ingrédient secret qui ne trompe pas.
Tout cela était palpable, une fois encore, ces 22 et 23 août 2011, au bout de dix années de mariage, lors de la visite officielle du couple princier, ponctuée par une randonnée en montagne rassérénante de bien-être, dans le comté oriental d'Hedmark : une énième aventure à deux peuplée d'harmonie, de rires et de tendresses discrètes, le parfait miroir d'une histoire d'amour simple et résistante. Un authentique conte de fées des temps modernes, à bien y regarder... Car tout n'a pas été évident...
En 1999, le prince Haakon de Norvège, héritier au trône du roi Harald V et alors âgé de 26 ans, s'enamoure de Mette-Marit Tjessem Høiby, une serveuse rencontrée par le biais d'amis communs. Une roturière. Une roturière mère célibataire d'un petit garçon de 4 ans, Marius, né de sa relation avec un junkie condamné en justice. Une roturière obligée de confesser, sous la pression médiatique et populaire, son passé d'accro à la défonce et aux raves parties et nuits de débauche. Pas franchement le parti idéal, et l'opinion publique gronde méchamment. Grâce à son charmant prince, vaillant face à l'adversité, la citrouille va pourtant se transformer en carrosse. Dans l'histoire moderne des monarchies, les mariages "mixtes" de têtes couronnées et de roturier(e)s ne sont plus guère polémiques : ils continuent d'entretenir l'image idéelle du conte de fées (sous les yeux du public se réalise le rêve de pouvoir devenir prince ou princesse) sans pour autant rencontrer d'obstacles significatifs (les exemples de Letizia Ortiz, épouse du prince Felipe d'Espagne, de Marie Cavallier, épouse du prince Joachim de Danemark, ou encore de Daniel Westling, époux de la princesse Victoria de Suède dont l'extraction roturière a à peine été décriée, en témoignent). L'union d'Haakon et Mette-Marit en 2001 serait presque l'exception qui confirme la règle.
Avant de passer en la cathédrale d'Oslo, sous le regard de dizaines d'éminences du gotha et des cours européennes (le roi Albert II de Belgique, la reine Margrethe II de Danemark, le prince Charles, le prince héritier Albert de Monaco, le prince Felipe d'Espagne, la princesse Victoria de Suède, etc.), le prince Haakon et Mette-Marit auront vécu des fiançailles compliquées, du 1er décembre 2000 (date de l'annonce de leurs fiançailles, suivie, neuf jours plus tard, de leur première apparition officielle pour la remise du Nobel de la Paix) à août 2001 : leur emménagement dans un appartement de la capitale nordique fut fustigé par l'Eglise de Norvège, tandis que la cote de popularité de la monarchie plongea jusqu'à un niveau record de désapprobation, à mesure notamment que le passé peu reluisant de la fiancée du prince était étalé. Fait remarquable, les sujets sondés se montraient plutôt tolérants envers la jeune femme, mais sanctionnaient malgré tout la famille royale !
Par bonheur, le prince Haakon pouvait compter sur le soutien inflexible de son père le roi Harald, et pour cause : en son temps, Harald avait dû lui aussi plaider sa cause, des années durant, auprès de son paternel pour pouvoir épouser la roturière Sonja Haraldsen, toujours son épouse aujourd'hui et reine à ses côtés. Une coalition père-fils qui, toutefois, n'endigua pas la contestation, bien au contraire : on suppose que des pressions de la sphère politique exhortaient le prince héritier à renoncer à ses prétentions au trône. A tel point que, à 72 heures de son mariage, Haakon, quelques jours après une allocution publique de Mette-Marit "condamnant les drogues", effleurant avec beaucoup d'émotion sa vie sulfureuse d'avant et souhaitant ne plus être contrainte d'évoquer son passé, convoquait les médias en conférence de presse exceptionnelle, et remerciait le pays, sa famille et les médias de ne pas faire de ses épousailles le prétexte à une guerre autour du système de succession.
C'est donc dans un climat délétère que le prince Haakon épouse sa bien-aimée Mette-Marit en la cathédrale d'Oslo le 25 août 2001, et que Mette-Marit, faisant alors table rase du passé, devient altesse royale et princesse du royaume de Norvège. Depuis, elle a honoré la victoire de l'amour et n'a jamais déçu les sujets scandinaves. A noter qu'il s'agissait du premier mariage royal célébré en ces lieux depuis... 1968 et celui d'Harald et Sonja.
Les petites anecdotes faisant les grandes histoires, on notera (et vous remarquerez, en observant ce moment en vidéo) que Mette-Marit, avec son fils Marius pour petit page, a choisi de fouler le tapis rouge et de s'avancer jusqu'à l'autel au bras du prince Haakon plutôt que de son père. L'évêque Gunnar Stålsett leur dira alors ces paroles réconfortantes : "Vous n'avez pas choisi le chemin le plus facile, mais l'amour a triomphé." Un excellent résumé qui libère les larmes de Mette-Marit, en pleurs quasiment toute l'heure que dura la cérémonie. La foule rassemblée à la sortie de la cathédrale puis sous les balcons du palais, et l'ovation offerte aux jeunes mariés augurera du meilleur pour la suite : ce mariage "atypique" sera accepté. Et sera magnifié par la naissance de deux enfants : la princesse Ingrid Alexandra, née le 21 janvier 2004, et le prince Sverre Magnus, né le 3 décembre 2005.
Depuis ce moment, en dix années que nous vous proposons de retraverser en images auprès de ce couple aussi uni aujourd'hui dans le consensus qu'il le fut jadis dans la tempête, le prince Haakon et la princesse Mette-Marit font l'unanimité. Ni l'un ni l'autre ne sont des icônes de mode ni des personnages modernes au fort charisme ; c'est plutôt de leur maintien exemplaire, de leur adéquation au job de tête couronnée avec une simplicité bienvenue et un supplément de naturel qu'ils tirent leur popularité. Ou comment les joyaux de la couronne brillent mieux dans l'anti-bling-bling. Preuve suffisante en est le profil de Mette-Marit : avec la position de son buste, la tête souvent légèrement en avant de l'axe de la colonne et les épaules parfois tombantes, et son style vestimentaire sans risque, la blonde Norvégienne, si elle éblouit parfois, ne dispute jamais la palme de la plus glamour aux Letizia, Madeleine et autres Maxima, fashionistas de la sphère royale. Et alors ?
Presque systématiquement associés dans les missions officielles inscrites à l'agenda princier, Haakon et Mette-Marit ont notamment forcé le respect par leur inlassable activité philanthropique, au niveau national et international. Le 25 août 2011, on célébrera d'ailleurs leurs 10 ans de mariage, mais aussi le 10e anniversaire du fonds caritatif à leur nom créé à cette occasion, sur lequel avaient été provisionnés les cadeaux de mariage (le couple avait, 10 ans avant William et Kate, demandé des dons). La solidarité et le dévouement à tous, leurs sujets norvégiens en premier lieu, un leitmotiv central dans l'interview que le couple accordait tout récemment au quotidien Aftenposten, juste après le massacre perpétré le 22 juillet par le mass murderer déséquilibré Anders Behring Breivik : "Au coeur de la tragédie, cela a renforcé la confiance en l'avenir, avec toute la Norvège se posant la question : Moi, que puis-je faire pour aider les autres ? Je vois un profond sentiment de communauté et un profond désir d'aider autrui", déclara Mette-Marit, qui a elle-même perdu son beau-frère Trond Berntsen dans le drame.
Et tandis que son époux se plaisait à contempler la société "ouverte, riche culturellement et dans ses différences" de la Norvège, Mette-Marit se lançait dans une édifiante réflexion sur leur mission princière : "Une part importante de notre rôle royal est inévitablement de transcender les différences et d'incarner le socle commun à tous les Norvégiens. Je crois que le rôle d'unification est important à notre époque, car nous voyons la société évoluer très rapidement et des symboles émerger. Il ne faut pas en avoir peur (...) Notre rôle symbolique, bien entendu, est également abstrait. C'est pour cela qu'il est si intéressant, dans notre travail, de motiver les gens." Et Haakon de compléter en insistant sur l'importance des déplacements à la rencontre des citoyens et en peignant le tableau d'une société généreuse et altruiste, sans exclusion, où chacun apporte sa pierre à l'édifice et en est fier. En 2011, les Norvégiens sont fiers de leur prince et de leur princesse. Ils ne manqueront pas de le leur démontrer ce 25 août 2011.
G.J.