La légende a la peau dure. Plus de trente années se sont écoulées sous les ponts du cinéma américain, avec son lot de flops retentissants et autres rêves brisés, mais le western mythique La Porte du paradis (1980) de Michael Cimino à peine plus vivant que les récits de sa production désastreuse qui a brisé en plein vol la carrière du cinéaste, doublement oscarisé pour Voyage au bout de l'enfer (1978). Trouvant le salut dans le coeur de la critique, le film avec Kris Kristofferson, Christopher Walken et une Isabelle Huppert de 27 ans a retrouvé une nouvelle jeunesse dans une version remasterisée, présentée à la Mostra de Venise il y a deux mois. Absente de l'événement, la comédienne française de 59 ans a retrouvé Michael Cimino lors du Festival Lumière de Lyon, où le film-monstre a été projeté en clôture.
Accueilli par 4 000 spectateurs, Michael Cimino, 73 ans, plaisante à peine en arrivant au bras de l'actrice dans la salle lyonnaise : "Je m'attendais à ce que le film soit projeté dans un petit cinéma... C'est un choc !" Alors qu'Isabelle Huppert explique qu'elle le considère comme un "immense" cinéaste, il reste silencieux, incapable de contenir son émotion : "Je n'ai pas de mot... mon coeur bat trop vite ! Tout le monde sait que la France aime le cinéma, mais là, ce que vous faites est incroyable ! Je suis tellement fier de partager ce moment avec mon Isabelle bien aimée. Quand nous avions travaillé ensemble, nous étions des enfants du paradis... mais à l'époque, nous ne le savions pas." Féroce, l'actrice lâche : "Ce film à été victime d'une injustice historique ! Il arrive que certaines erreurs soient un jour ou l'autre réparées. Je crois qu'aujourd'hui est le début de la réparation."
Car La Porte du paradis porte plus ou moins bien son nom. Fresque monumentale de 4 heures sur la naissance de l'Amérique, réalisée par un cinéaste incontournable avec un budget colossal de 44 millions, cette oeuvre brûlante n'a pas franchi le pas de la porte des enfers. Retiré de l'affiche après une semaine, le film a récolté seulement 3 millions de dollars, parachevant une production démesurée qui a provoqué la chute du studio United Artists. Abîmé par la critique lors de sa sortie, notamment à cause de sa peinture du génocide des Indiens, La Porte du paradis a trouvé le salut au fil des années, comme un certain nombre de films majeurs du septième art. Reste la certitude que la carrière de Michael Cimino ne s'est jamais remise de cet épisode. L'Année du dragon (1985) avec Mickey Rourke reste son autre film phare. Mais même cicatrisée, la blessure n'en reste pas moins là.