Le gant Swarovski, la veste Billie Jean ou encore le ballon Spalding du clip de Jam avec Michael Jordan : les reliques de celui qui fut couronné Roi de la Pop de son vivant et canonisé depuis sa tragique disparition le 25 juin 2009 ont une valeur marchande certaine, comme l'a prouvé la récente vente aux enchères de memorabilia hollywoodiens à Macao, mais également - et surtout - une valeur sacrée.
Dans le domaine de la liturgie jacksonesque, un pas va être franchi, un nouveau chapitre va être écrit, avec le dévoilement de clichés inédits réalisés en 1999 par un tout jeune photographe français sur l'invitation expresse de Michael Jackson himself. Arno Bani, qui avait dû à l'époque abandonner contractuellement les droits desdites photos à Sony, maison historique du King of Pop, pour dix ans, a soudainement pris conscience avec le décès de la star que ces images surnaturelles, depuis dix ans dans un coffre en banque, étaient redevenues sa propriété.
Le photographe exposait vendredi ses compositions à l'hôtel Drouot Montaigne à Paris, en préambule à la vente aux enchères par Pierre Bergé & Associés à l'hôtel Salomon de Rotschild dont elles feront l'objet le 13 décembre prochain, toujours à Paris - là où elles furent prises il y a onze années.
Si les photos (voir ci-dessus), comme évadées de l'au-delà, sont absolument saisissantes, le pan entier d'histoire dont elles sont l'émanation, certes court en temps mais tellement monumental en portée, pourrait bien s'avérer bouleversant pour tous ceux qui, peu ou prou, ressentent une indicible émotion lorsqu'on leur offre de pénétrer dans les arcanes du mythe Michael Jackson. Dans un dossier au titre limpide ("Michael Jackson comme on ne l'a jamais vu") de son édition courante, Paris-Match, avec le concours d'Arno Bani, raconte...
Synopsis éloquent proposé par Match en préambule : "Pierrot perdu dans les étoiles, Michael Jackson, 40 ans, rêve d'un avenir incertain. Comment vieillir quand on se surnomme 'Peter Pan' ? Dans les yeux d'un autre, il cherche son image pour le XXIe siècle. Nous sommes en 1999, l'immense star a jeté son dévolu sur un photographe de 23 ans, Arno Bani, qu'il a fait venir à New York. Trois mois plus tard, dans un studio près de Paris, se déroule le plus improbable shooting : Michael a accepté de se faire couper les cheveux, il joue avec les lumières, les paillettes, au son du Requiem de Mozart."
Le résultat : d'authentiques "mirages", comme l'envisage Paris Match, découvrant et dévoilant ces images d'un Michael Jackson qui s'imagine "en dieu vivant", drapé dans une cape d'or (réalisation du brodeur François Lesage), pour l'album Invincible.
Arno Bani (dont vous pouvez découvrir le travail sur son site officiel) et Match content ensuite la genèse de ce que l'on découvre désormais comme un épisode initatique pour un jeune photographe et une cure de jouvence à son contact pour la plus grande star de tous les temps. "Pour eux, se souvient Bani à propos du management de la vedette, j'étais un charlot, l'énième caprice de Michael. Sony n'avait pas le choix. Par contrat, la maison de disques devait produire une pochette par an... Michael exigeait que je revisite le visuel de la cape d'or pour son prochain album, Invincible."
Arno Bani a alors 23 ans. C'est en découvrant une de ses photographies (dont le sujet était le mannequin portoricain Astrid Munoz) en couverture du supplément mode du Sunday Times que Michael Jackson décide qu'il veut ce photographe-là. "Il a immédiatement compris que j'étais jeune", analyse a posteriori Bani, soulignant que le King of Pop était à la recherche d'un regard neuf.
Jusqu'à sa prise de contact glaciale avec le staff de Sony, Arno Bani croit au mirage. Mais la réalité s'impose magnifiquement à lui, à l'occasion de sa première rencontre, à New York, avec Michael Jackson : "On me fait avancer dans un couloir, on frappe à une porte, c'est 'Lui' qui ouvre... Il me serre dans ses bras, dix fois, et, d'une voix douce et fluette, me remercie d'être là." Fasciné par les grands yeux noirs qui transpercent un visage érodé par la chirurgie esthétique, Bani garde le souvenir d'un être "pas tout à fait humain", "unique", "à la fois impressionnant et d'emblée attendrissant". L'épluchage en tandem du book du photographe est jalonné des commentaires approbateurs de la star. S'ensuivront, pour le jeune Français, trois mois de préparatifs, de travail avec une équipe montée autour de lui, d'allers-retours transatlantiques... L'entente est fusionnelle, au point que le King of Pop accepte de se faire couper les cheveux : "Il disait même qu'il voulait que je m'occupe de son look pour les dix prochaines années...", ressasse Bani.
Juillet 1999, l'heure du shooting est venue : après des essayages, une escapade nocturne au rayon jouets de la Samaritaine, et un faux bond l'avant-veille, Michael Jackson arrive, accompagné par ses enfants, Prince Michael et Paris. Il se laisse faire, durant des heures de coiffure (avant toute autre chose, de réparation capillaire !) et de maquillage, totalement "de marbre". "Le shooting démarre par la photo à la cape d'or, la moins classique, celle dont Michael rêve depuis le premier jour." Un rêve non exaucé : lorsque paraît Invincible, les photos d'Arno n'y figurent pas... Elles ressurgissent aujourd'hui, témoins d'une légende elle-même invincible.