Maître Olivier Metzner a été retrouvé mort dimanche 17 mars en fin de matinée sur la plage de son île privée de Boëdic, dans le golfe du Morbihan. Selon le substitut du procureur à Vannes, une lettre retrouvée chez lui indique que le célèbre avocat s'est suicidé. Une autopsie doit être pratiquée ce lundi. En attendant les résultats de l'examen post mortem, la profession comme ses célèbres clients lui rendent hommage.
Un homme secret et solitaire
Olivier Metzner a participé à quelques-uns des plus grands procès de ces dernières années : l'affaire Clearstream, l'affaire Kerviel, l'affaire Cantat... Dans l'affaire Bettencourt, Me Olivier Metzner défendait Françoise Bettencourt-Meyers, la fille de l'héritière L'Oréal. Dans un communiqué signé conjointement avec son époux Jean-Pierre Meyers, elle écrit : "Nous-mêmes et nos enfants sommes profondément bouleversés par la disparition brutale de maître Olivier Metzner. Nous tenons à rendre hommage à l'homme exceptionnel pour ses qualités humaines de coeur, ainsi qu'à l'avocat qui nous a accompagnés sans relâche tout au long de ces cinq années passées. Il faisait honneur à sa profession."
Olivier Metzner était un travailleur acharné. Peu réputé pour son éloquence, il a construit sa notoriété sur l'examen de la procédure : il recherchait la faille juridique, inlassablement, chez ses adversaires. Pour l'avocat pénaliste Jean-Yves Liénard, Me Olivier Metzner "a probablement inventé la lecture de la procédure pénale, il a été le premier à regarder les dossiers sous l'angle de la procédure, c'est son apport le plus important au barreau. Dans ce domaine, il a fait un malheur en faisant ses armes." Pour parvenir à ce niveau d'excellence, Me Olivier Metzner travaillait sans cesse, ne prenant que quelques jours de vacances par an. Il passait des heures à éplucher ses dossiers et fut le premier à se rendre à la cour avec un ordinateur. Beaucoup le décrivent comme un être secret et solitaire. "Il ne partageait pas vraiment sa vie personnelle", remarque Me Patrick Maisonneuve. L'ancien bâtonnier de Paris, Me Jean-Yves Le Borgne, en a fait l'expérience : "Cela faisait quarante ans que l'on se côtoyait et je dirais côtoyer car c'était un homme solitaire et secret, et bien qu'étant dans un rapport amical, je ne savais pas grand-chose de lui."
Ce suicide change l'opinion qu'avait de lui Me Georges Kiejman, son adversaire dans l'affaire Bettencourt. Sur Europe 1, il a déclaré : "Je suis abasourdi. Sa mort me surprend et me choque. (...) J'avais une admiration intellectuelle pour lui mais ça ne m'empêchait pas de croire, à tort apparemment, que peut-être, il pouvait manquer de coeur et de sensibilité. Tout à coup, les conditions de sa mort me permettent de réexaminer tout ça et de voir qu'Olivier Metzner avait lui aussi ses fragilités." Ceux qui l'ont côtoyé de près ne dressent pourtant pas ce portrait d'un homme sans coeur. Loïk Le Floch-Prigent, par exemple, que Metzner a défendu dans l'affaire Elf, se souvient d'un homme "très affectueux". Son associé depuis vingt ans, Me Emmanuel Marsigny, le décrit comme ouvert : "N'importe quel jeune avocat pouvait le solliciter pour un conseil".
Une âme de marin
Me Olivier Metzner s'est fait tout seul. On ne lui connaissait pas de mentor dans la profession. Il n'était pas non plus un étudiant brillant, décrochant avec difficulté son bac G (gestion, comptabilité...). Il avait coupé les ponts avec sa famille - des Normands protestants - et a donc financé seul ses études en devenant moniteur de voile. Il aimait l'opéra et fumait le cigare. En 2010, il achète pour 2,5 millions d'euros l'île de Boëdic dans le Morbihan. Un vieux rêve : "C'était un homme simple, raconte à Ouest-France le maire de Sené, la commune dont dépend l'île. Il ne souhaitait pas qu'on l'appelle maître. Il nous disait qu'il avait fait ce choix de vivre là car il était marin dans l'âme." Un marin qui avait tout de même décidé de se séparer de son île. Dans Le Figaro en novembre dernier, il disait : "J'ai un autre projet, je vais encore plus retrouver la mer."
La disparition de Me Olivier Metzner soulève bien des interrogations. Me Marsigny, son associé, résume pudiquement à l'AFP : "Il avait la passion de défendre, il était l'un des meilleurs pour défendre les autres mais n'a pas su se défendre de lui-même. Il est triste que quelqu'un d'aussi talentueux que lui n'ait pas réussi à trouver les ressources pour se défendre de lui-même et contre lui-même." Dans Le Parisien, le journaliste et écrivain Denis Robert se souvient d'une interview d'Olivier Metzner en 1997 durant laquelle l'avocat craque et demande l'arrêt de l'enregistrement : "Il pleurait comme un bébé en s'excusant, raconte Denis Robert. Il nous a alors expliqué qu'il avait raté sa vie. Son vrai bonheur eut été d'être marin et de partir en mer. Le boulot d'avocat le minait."