Tout lui sourit depuis sa participation à l'émission On n'demande qu'à en rire. Pourtant, avant d'accepter en 2011 de se confronter aux notes parfois cruelles de Laurent Ruquier, Catherine Barma, Jean Benguigui ou encore Michèle Bernier, Ahmed Sylla n'a pas eu une vie des plus paisibles. Le jeune homme a grandi au coeur des rixes et des gangs des banlieues nantaises, et a vu la mort de près. Pire encore, son meilleur ami est mort, criblé de balles, sur fond de trafic de drogues. Des épreuves qu'il a longtemps tues, pour préserver son image et sa carrière grandissante, mais sur lesquelles il avait finalement accepté de revenir auprès de Roman Frayssinet en mai 2023, sur sa chaîne YouTube.
Retour en 2011. En arrivant sur le plateau de Laurent Ruquier, la magie opère de suite. Exit Nantes, les bagarres et les deuils impossibles, Ahmed Sylla se fait un nom, et vit son rêve parisien. A l'instar de Kev Adams, Arnaud Tsamère, Florent Peyre, Waly Dia ou encore Artus, l'humoriste devient alors un visage incontournable de la scène française, et enchaîne les spectacles à succès. Après A mes délires, Avec un grand A et Différent, le trentenaire est revenu il y a quelques mois avec un quatrième spectacle baptisé Origami, avec lequel il continue de faire salle comble partout en France.
Depuis quelques années, c'est également au cinéma que l'humoriste s'accomplit. Après quelques petits rôles secondaires et peu médiatisés, Ahmed Sylla a conquis le coeur du public autant que des cinéastes, qui lui ont progressivement confié des rôles plus prédominants. En 2017, il donne la réplique à Alice Belaïdi dans L'Ascension, puis deux ans plus tard à Alban Ivanov dans Inséparables. En 2022, il retrouve l'ex-compagne de Gianni Giardinelli dans Classico, obtient le rôle-titre de Jumeaux mais pas trop, et enchaîne avec Les femmes du square. En 2023, on le retrouve dans La guerre des Lulus avec Didier Bourdon, puis obtient le rôle-titre de Notre tout petit petit mariage aux côtés de Camille Lou, qui se révèlera être un échec commercial avec seulement 353 000 entrées.
En janvier dernier, il obtient le rôle principal de Comme un prince, avec Julia Piaton, un film qui ne réunit là encore que 245 000 personnes, puis en avril d'Ici et là-bas, avec Hakim Jemili et Hugo Becker, qui fait légèrement mieux, avec 334 000 entrées... Ce mercredi 7 août, Ahmed Sylla est de retour dans un nouveau long métrage, et espère bien profiter du succès des films français actuellement au cinéma, tels qu'Un p'tit truc en plus de et avec Artus et Le comte de Monte-Cristo avec Pierre Niney. L'humoriste est à l'affiche de Super Papa, une comédie qui rappelle le titre d'un téléfilm qu'a diffusé TF1 il y a quelques mois avec Michaël Youn et Jenifer... mais au pitch quelque peu différent.
En effet, si sur TF1, Michaël Youn se découvrait des supers-pouvoirs en arrivant à lire dans les pensées de tous les adolescents y compris celles de son propre enfant, Ahmed Sylla, lui, va se plier en quatre pour accomplir tous les souhaits de son fils de 8 ans, même ceux les plus fous. Tom, le héros qu'il incarne, va se retrouver très vite dépassé par les envies de son petit Gaby, mais fera tout pour exaucer chacun de ses rêves. Il donne la réplique dans cette nouvelle comédie à Zabou Breitman, qui jouera la belle-mère du héros, ou encore à Claudia Tagbo, récemment vue dans une toute nouvelle série sur TF1 baptisée R.I.P Aimons nous vivants.
Si la carrière professionnelle d'Ahmed Sylla est aujourd'hui un joli succès, sa vie n'a pas toujours été des plus chanceuses. Né en 1990 à Nantes, le jeune homme est issu d'une famille sénégalaise, arrivée en France trois ans avant sa naissance. Ses parents, commerçants, lui donnent un frère aîné, puis une soeur et un frère cadets. Mais le jeune homme ne s'est jamais montré prolixe sur sa vie personnelle... Il y a quelques mois, au micro de Sept à Huit, il a évoqué avec pudeur la disparition de son père, sans rentrer dans les détails. Invité de Touche pas à mon poste en janvier 2017, il se refusera même à répondre aux questions de Cyril Hanouna, qui l'interrogeait sur son enfance et son adolescence passées dans le quartier nantais HLM des Dervallières.
C'est que ce pan de sa vie, Ahmed Sylla l'a longtemps gardé pour lui. Jusqu'en mai 2023, où il se décide à fendre l'armure pour la première fois, au micro de Roman Frayssinet. L'humoriste fait alors de rares confidences sur ce passé compliqué, duquel il gardera des séquelles indélébiles. Un fait, en particulier hante à jamais le comédien : la mort tragique de son meilleur ami en 2008, sur fond de trafic de drogues. ''J'ai jamais raconté ça de ma vie'' assurait, les larmes aux yeux, l'humoriste récemment vu dans la dernière saison de LOL sur Prime Video, avant de poursuivre, difficilement : ''En 2008, je perds un de mes meilleurs amis, il s'appelait Toko. Il s'est fait tuer dans mon quartier.'.
A l'époque, la mort de Toko avait été largement médiatisée. Toko Botowamungu, un jeune homme de 21 ans, était tué par balles au coeur du quartier des Dervallières, où vivait Ahmed Sylla. Poursuivi en voiture par deux hommes armés, le jeune homme avait tenté de s'enfuir dans une course folle, mais il avait percuté un arbre, et avait été aussitôt abattu. Les auteurs des faits avaient été rapidement identifiés : deux frères, âgés de 28 et 26 ans au moment des faits. L'un d'eux s'était constitué prisonnier au lendemain du drame, assurant n'avoir jamais voulu tuer Toko ; l'autre avait fui en Algérie, où il sera interpellé deux ans plus tard par les autorités algériennes, sans pour autant être extradé.
Jugé en Algérie par le tribunal criminel de Bouira en janvier 2012, il écopera d'une peine de dix ans de prison, alors que le procureur général avait réclamé la peine de mort. Une peine nettement inférieure à celle infligée en France à son frère, qui avait écopé en 2011 d'une peine de 20 ans de prison, confirmée par la Cour d'assises auprès de laquelle le prévenu avait interjeté appel.
Dans les heures qui suivent le drame, plus de 1000 personnes se réunissent dans la rue pour une marche blanche retentissante. Parmi les personnes qui rendent hommage au jeune Toko, se trouve son meilleur ami de toujours, Ahmed Sylla. L'été dernier, ce dernier, ému au micro d'Amuse-bouche avait rendu hommage à celui qui lui avait dit le premier, avant tous les autres, qu'il réussirait et ferait carrière : "Je suis ému parce que c'est le premier qui m'a dit : Tu vas percer, tu vas être quelqu'un". Et d'expliquer, plus en détails, les circonstances de ce drame qu'il avait gardé en lui pendant plus de quinze ans. "C'est une mort très violente, on n'avait jamais vécu ça. D'accord, il y avait de la drogue, du chômage, etc. Mais on n'avait jamais vécu un truc aussi fort, et je me souviendrai toujours de ça. Je suis en train de faire mes courses, on m'appelle et on me dit : Il s'est passé une dinguerie, Toko est mort (...) Je prends ma voiture, je laisse les courses à la caisse. J'arrive, et je vois mon pote à terre, criblé de balles. Il s'était fait tuer par des gens avec qui on avait grandi" a-t-il expliqué.
Dans cette même interview dans laquelle il se livrera comme jamais sur cette vie complexe passée au coeur de la banlieue nantaise, Ahmed Sylla révèlera avoir lui aussi frôlé la mort, aux côtés de deux amis : ''Je suis dans (une) voiture et je dis (à mes) deux potes qui m'accompagnent qu'on est suivis (...) J'ai aussi eu très peur ce jour-là. Je rentre dans une petite rue. Je vois une voiture noire juste derrière moi avancer jusqu'à mon niveau. Le conducteur baisse sa fenêtre. J'ai un réflexe qui, je pense, nous a sauvés la vie, parce que je pense qu'ils nous prenaient pour d'autres gars. J'ouvre ma porte, et comme j'étais connu un peu dans tout le quartier pour faire rire (...) j'étais connu pour ça... En ouvrant la porte pour montrer ma tête, le passager me reconnaît, et dit : Non, c'est pas eux.''
L'affaire aurait pu en rester là, mais son ami conducteur sort et s'agace : ''Vous voulez quoi ?'' Le passager de la voiture qui avait reconnu Ahmed Sylla et un autre sortent de la voiture, armés, en direction du jeune homme : ''Mon pote a eu la main explosée par les plombs qui ont rebondi sur le bouchon d'essence. Il y a eu plein de plombs, ça a explosé ma vitre. Je me retrouve avec le sang de mon pote sur le tee shirt. Je suis tétanisé, je n'arrive plus à conduire.'' Cette vie-là, Ahmed Sylla comprendra à ce moment-là qu'elle n'était plus la sienne. Il décide de la fuir, et monte à Paris tenter sa chance dans l'humour. Un choix difficile mais courageux et salvateur, qui lui ouvrira les voies d'une carrière bien méritée.