Jonah Lomu n'est plus. La légende du rugby néo-zélandais a succombé à une crise cardiaque mercredi 18 novembre 2015. Joueur emblématique, atypique et unique, il était et reste une icône du monde de l'ovalie. Mais derrière le rugbyman se cachait un père de famille, un homme aimé de tous, aspirant à une vie simple dont il aura été privé par la maladie. Jonah Lomu n'est plus, le monde du rugby pleure son icône.
Mon cher mari Jonah Lomu est mort la nuit dernière
"Jonah Lomu est mort ce matin (...). C'était totalement inattendu, Jonah et sa famille étaient revenus du Royaume-Uni la nuit dernière", a confié ce matin l'ancien médecin des All Blacks John Mayhew à la chaîne TV3, avant de fondre en larmes. Jonah Lomu et sa famille, son épouse Nadene et leurs deux fils, Brayley et Dhyreille, se trouvaient dans leur maison d'Auckland lorsque le joueur a succombé à une crise cardiaque. Il avait 40 ans. "C'est avec une grande tristesse que je dois annoncer que mon cher mari Jonah Lomu est mort la nuit dernière, a déclaré sa femme, Nadene. Comme vous pouvez l'imaginer, c'est une perte tragique pour notre famille."
Depuis des années, il se battait contre un syndrome néphrétique, diagnostiqué peu de temps après la Coupe du monde 1995. De dialyse en traitements, il avait finalement subi une greffe de reins en 2004 peu de temps après avoir mis un terme à sa carrière, en 2002. "J'étais ce gars (...) qui terrassait ses adversaires, marquait des essais, gagnait des matches, s'amusait. Et je me suis retrouvé si malade que je n'étais même pas capable de doubler un petit bébé", déclarait-il peu de temps après sa greffe.
En 2011, peu de temps avant la Coupe du monde de rugby qui devait se dérouler en Nouvelle-Zélande, Jonah Lomu passa tout près de la mort, pétrifiant le pays dans une longue et angoissante attente. S'il a fini par quitter l'hôpital, c'était pour apprendre qu'il était de nouveau placé sur la liste d'attente pour une greffe. Une greffe qui ne viendrait pas. L'histoire retiendra de ce colosse de 120 kilos et 193 centimètres, capable de courir le 100m en moins de 11 secondes, un gamin de même pas 20 ans renversant ses adversaires comme des quilles lors de la Coupe du monde 95, mais également ses 37 essais en 63 sélections. Un athlète hors norme ayant bouleversé le rugby à lui tout seul.
Mais derrière le sportif craint et respecté de ses adversaires se cachait un homme simple, ouvert, calme et d'une gentillesse absolue. Un père de famille qui n'aurait jamais dû l'être, du fait de sa maladie. Ses deux fils, Brayley (6 ans) et Dhyreille (5 ans), fruits de son union avec Nadene, sont deux petits "miracles" que le géant chérissait chaque jour. "Maintenant, quand je me lève le matin, au lieu de me regarder dans le miroir et de me dire 'Que vais-je faire aujourd'hui ?', je me lève et je me dis 'J'ai deux fils, lève-toi, bouge-toi et essaye d'être le meilleur père possible'", confiait-il il y a peu au DailyMail en marge de la Coupe du monde qui s'est déroulée cet automne en Angleterre.
Et alors qu'il savait sa vie en suspens si une greffe de reins n'arrivait pas rapidement, Jonah Lomu confiait son espoir de voir grandir ses garçons : "Mon but est de tenir jusqu'aux 21 ans de mes enfants, se fixait-il comme objectif, des années après la mort de son père, parti alors qu'il était très jeune. Il n'y a pas de garanties que ça se produise, mais c'est mon objectif. C'est une étape importante que tous les parents veulent voir (...) Ils doivent vivre en bonne santé et avoir une vie normale."
Une chance que le héros du rugby n'aura pas, lui qui avait passé quelques mois en France en signant au petit club de Marseille Vitrolles en 2009. Mais le peu de temps qu'il aura passé avec ses enfants, il se sera appliqué à le mettre à profit pour leur donner l'amour qu'il n'aura pas eu de son père. Il raconta au DailyMail son enfance marquée par les coups d'un père violent, la fuite, enfant, et 17 ans de silence avant que son épouse parvienne à réunir les deux hommes en 2013, peu de temps avant la mort du père.
C'est ainsi qu'il souhaitait donner à ses enfants "une meilleure enfance" que la sienne, espérant que "personne" n'ait à subir ce qu'il a subi, lui qui a connu la douceur des îles Tonga avant de débarquer avec sa famille en Nouvelle-Zélande, dans une banlieue difficile d'Auckland où il fit face à la violence. Quotidienne. "Il y avait beaucoup de violence où je vivais. J'ai dû apprendre très vite comment me protéger car les autres ne se gênaient pas pour me tomber dessus. Je ne souhaite à personne de grandir où j'ai grandi", racontait-il à Libération en 2008.
Son entrée au Wesley College d'Auckland pour l'éloigner des problèmes change sa vie. Il se révèle bon élève mais la rencontre avec le ballon ovale va changer sa vie. "J'ai trouvé un sens à ma vie avec le rugby en transformant la colère que j'avais en moi en quelque chose de positif", poursuivait-il. Rugby à VII, rugby à XIII puis à XV, il devint au fil de ses exploits la première star planétaire, phénomène sportif et médiatique, propulsant un rugby amateur dans le monde professionnel.
Il ne tient qu'aux hommages à la légende de démontrer à quel point Jonah Lomu était une personne appréciée et aimée du monde du rugby et bien au-delà, à l'image du Premier ministre néo-zélandais John Key : "Les pensées de tout le pays vont vers sa famille."
"Il était unique, il n'y aura aucun autre Jonah Lomu. Beaucoup ont essayé de le copier, mais il n'y a jamais eu un autre joueur comme lui. Et pour être honnête, il n'y en aura probablement jamais, a confié l'ancien All Black Tana Umaga. Il était le joueur que les fans acclamaient, encourageaient et essayaient de copier, que ce soit les enfants qui tentaient de reproduire ses feintes sur le terrain, les artistes qui volaient les déchets dans ses poubelles, ou simplement les gens qui dessinaient le n°11 dans leurs sourcils."
Dès l'annonce de sa mort, les réseaux sociaux ont vu fleurir de nombreux messages, de personnalités du rugby et d'ailleurs... "Moi, si j'ai une image à retenir de ce garçon, c'était sa gentillesse. Il était très timide et avait beaucoup de pudeur, ce qui peut sembler paradoxal au regard de l'athlète qu'il était", confie au site 20 Minutes Christophe Dominici, ancien international du XV de France et adversaire du All Black.