Un mois après la mort de Pierre Tchernia, leur plus grand fan, qui leur avait consacré un documentaire de référence paru en 2005, le dernier des Frères Jacques a lui aussi tiré la révérence : Paul Tourenne, qui avait d'ailleurs contribué à l'existence de ce document compilant de nombreuses archives, s'est éteint dans la nuit du samedi 19 au dimanche 20 novembre 2016 à l'âge de 93 ans, a signalé son fils Robin à l'AFP. "Il est mort de vieillesse, son coeur a lâché", a-t-il précisé tout en évoquant "la carrière magnifique" du défunt, qui vivait depuis une dizaine d'années à Montréal, au Canada.
La disparition de Paul Tourenne signifie qu'il ne reste plus aucun des quatre compères de cette fantastique fratrie comico-musicale que fut, de 1946 à 1982, le quatuor vocal Les Frères Jacques : les deux véritables frères André et Georges Bellec, qui avaient quatre ans d'écart, sont disparus respectivement en 2008 et 2012 à l'âge de 94 ans, alors que François Soubeyran n'était plus depuis 2002. Disparaître est indéniablement ce qu'ils auront fait de moins drôle...
Né à Paris en 1923, Paul Tourenne se rêvait, dans ses jeunes années, professeur de chant. Passionné de musique et de photographie, il aura finalement eu l'opportunité de professer... la fantaisie, la poésie et l'humour en chanson. A la Libération, il intègre le quatuor formé par les frères Bellec (il a pu faire la connaissance d'André au sein de Travail et Culture, où il s'occupait de la billetterie et où François Soubeyran était également employé), benjamin de cette petite troupe qui doit son nom à l'expression "faire le jacques", c'est-à-dire faire le pitre : "C'est ce qu'on voulait faire en chanson", explicitait d'ailleurs Paul Tourenne lors d'un entretien accordé dans les années 1990. Au sein du quatuor de chanteurs en justaucorps, Paul, ténor, avait le bleu.
Après leurs débuts en 1945, la carrière des Frères Jacques décolle lorsque le directeur artistique mythique Jacques Canetti les prend sous son aile et leur permet de profiter des talents de compositeur de Joseph Kosma et ceux d'auteur de Jacques Prévert, qui dira plus tard d'eux : "Aux feux de la rampe, les Frères Jacques allument un vrai feu de joie, et les planches brûlent en crépitant, et ils dansent autour en chantant." De compositions originales en parodies et en chansons paillardes, leur carrière marquera plusieurs générations entre 1945 et 1982, année de leur dernier récital et de leur séparation. Un hommage leur a été rendu pour marquer les cinquante ans de la création du groupe, au Casino de Paris en janvier 1996. Quelques mois plus tard, ils étaient réunis pour recevoir un Molière d'honneur.
En 2016, l'INA a édité un double DVD qui leur est consacré.