Après avoir été placé en garde à vue, mardi 1er juillet 2014, à l'Office anticorruption (Oclciff) de la police judiciaire, - une première pour un ancien président de la République -, Nicolas Sarkozy a finalement été mis en examen. Présenté aux juges du pôle financier du tribunal de grande instance de Paris, après 15 heures de garde à vue, il s'est vu notifier sa mise en examen pour des faits présumés de "recel de violation du secret professionnel", "corruption" et "trafic d'influence actifs", a expliqué le parquet. L'ancien champion de l'UMP n'a toutefois pas été soumis à un contrôle judiciaire.
Mise en examen
Si Nicolas Sarkozy avait entamé son été sous le beau ciel bleu du cap Nègre, son lieu de vacances habituel où il était arrivé le 27 juin avec son épouse Carla Bruni-Sarkozy et leur fille Giulia, le temps a depuis sévèrement tourné à l'orage ! Redevenu un justiciable comme les autres depuis sa défaite face à François Hollande, l'ex-président (2007-2012) a donc été mis en examen. Cela signifie que les juges croient avoir réuni contre lui des "indices graves et concordants". Les faits qui lui sont reprochés ? Les enquêteurs cherchent à établir si l'ancien chef de l'État a tenté d'obtenir des informations auprès d'un magistrat de haut rang, Gilbert Azibert (également mis en examen, tout comme l'avocat historique de l'ancien élu, Me Thierry Herzog), sur une décision de justice le concernant, en échange de la promesse d'un poste de prestige à Monaco (ce que la principauté a fermement démenti). La cour de Cassation devait se prononcer sur la saisie de ses agendas présidentiels, à laquelle Nicolas Sarkozy s'opposait. Ces agendas étaient susceptibles d'intéresser les juges enquêtant sur d'autres dossiers, notamment l'affaire de l'arbitrage Tapie.
Son avocat et ami Thierry Herzog a été mis en examen pour les mêmes chefs d'accusation ainsi que pour "violation du secret professionnel". Son avocat Paul-Albert Iweins a déclaré : "Thierry Herzog a été mis en examen pour des faits que nous contestons. Il est libre et reste l'avocat de Nicolas Sarkozy." Et d'ajouter : " Ces faits ne reposent que sur des écoutes (...) dont la légalité sera fortement combattue." Il a fait état "d'une découverte stupéfiante dans le dossier, une écoute entre Me Thierry Herzog et son bâtonnier sur les explications de ce qui avait pu se passer". "Je crois que c'est la première fois en France et peut-être dans le monde, qu'on essaie d'utiliser une écoute entre un avocat et son confesseur naturel qu'est son bâtonnier !", a t-il ajouté. Aucune charge n'a été retenue contre le haut magistrat Patrick Sassoust, qui n'a donc pas été présenté aux juges à l'issue de sa garde à vue. Alors que Thierry Herzog et Nicolas Sarkozy peuvent continuer à se voir et à communiquer, Gilbert Azibert ne peut pas entrer en contact avec eux ni avec Patrick Sassoust...
La seule "bonne nouvelle" dans ces mises en examen, c'est que Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert vont enfin avoir connaissance des pièces de l'instruction, des écoutes, de l'enquête en général et vont pouvoir se défendre. En effet, lors de leurs gardes à vue, ils n'ont pas eu connaissance des faits qui leur étaient "reprochés". Une garde à vue particulièrement difficile pour Me Thierry Herzog qui a été obligé de se retrancher dans ses réponses sur le secret professionnel, ne sachant pas ce qui était de l'ordre du privé ou du professionnel !
Autre exercice "périlleux", si Me Herzog reste l'avocat officiel de Nicolas Sarkozy il ne pourra bien sûr pas l'assister dans ce dossier, dans lequel il est lui-même mis en examen. C'est maître Pierre Haik, brillant avocat (présenté à tort comme "la doublure" de Thierry Herzog), que Nicolas Sarkozy a nommé pour le défendre. Me Pierre Haik était d'ailleurs présent lors de sa présentation devant les juges d'instruction cette nuit.
L'origine de l'affaire
À l'origine de cette mise en examen ? Deux affaires qui se rejoignent. En effet, placé sur écoute (et donc "possiblement" informé de cette mesure de manière illicite par des hauts magistrats, en l'occurrence Gilbert Azibert et Patrick Sassoust) en septembre 2013 dans l'enquête sur les accusations, pour l'heure non étayées, d'un financement de sa campagne de 2007 par l'ancien dirigeant lybien, Mouammar Kadhafi, l'ex-président (qui n'utilisait plus son téléphone officiel mais un autre appareil sous le nom d'emprunt de Paul Bismuth) et son avocat auraient notamment eu des conversations qui pouvaient laisser entendre qu'ils étaient bien informés sur l'avancée de l'enquête de la cour de Cassation, saisie de la procédure Bettencourt. Pour rappel, dans cette affaire tentaculaire, Nicolas Sarkozy avait notamment été mis en examen pour "abus de faiblesse" sur la personne de Liliane Bettencourt avant d'obtenir un non-lieu.
Que risque Nicolas Sarkozy ?
L'ex-président doit notamment affronter, parmi ces trois accusations, celle de trafic d'influence. Il s'agit, pour une personne dépositaire de l'autorité publique, de solliciter ou d'accepter un avantage en échange d'un acte que lui permet sa fonction, ou en échange de son influence, "réelle ou supposée", sur une décision. Pour un particulier, c'est lorsque cette proposition est faite à une personne dépositaire de l'autorité publique. Le trafic d'influence est réprimé par plusieurs articles du Code pénal avec des peines pouvant aller jusqu'à dix ans de prison et 150 000 euros d'amende. En outre, le Code pénal prévoit des peines complémentaires comme l'interdiction des droits civiques, l'interdiction d'exercer une fonction publique ou une profession, ou encore l'exclusion des listes électorales pour une durée limitée.
Pendant ce temps-là...
Et comme si cela ne suffisait pas, le parquet de Paris a confié à des juges financiers une enquête pour "faux et usage de faux", "abus de confiance" et "tentative d'escroquerie", cette fois sur le financement de la campagne de 2012 de Nicolas Sarkozy. Ses meetings semblent avoir été en grande partie financés par l'UMP afin de masquer un dépassement du plafond autorisé. Nicolas Sarkozy et son entourage démentent avec force avoir été au courant de ce financement ainsi que tout lien avec l'affaire Bygmalion qui ne cesse de rebondir.
Rappelons que Nicolas Sarkozy, Thierry Herzog et Gilbert Azibert sont présumés innocents jusqu'au jugement définitif de l'affaire.
Thomas Montet