Annonce choc dans les médias en France : pour la première fois en France, un ancien président de la République est en garde à vue. L'ex-chef d'État Nicolas Sarkozy (2007-2012) a été placé en garde à vue mardi 1er juillet à l'Office anticorruption de la police judiciaire, selon l'AFP. Depuis le 26 février, il est au coeur d'une information judiciaire ouverte pour "trafic d'influence" et "violation du secret de l'instruction". Il sera entendu pendant une durée pouvant aller jusqu'à 24 heures, éventuellement renouvelable une fois. Il pourra être relâché sans poursuites ou présenté à un juge d'instruction qui pourra le mettre en examen s'il le juge nécessaire. Une nouvelle qui intervient à l'heure où sa volonté de revenir en politique - et pourquoi pas à la tête de l'UMP - devient de plus en plus manifeste.
Une première pour un ancien président
Mis en examen par des juges bordelais dans l'affaire Bettencourt, Nicolas Sarkozy avait bénéficié d'un non-lieu, mais la justice n'en a visiblement pas fini avec lui. Il est arrivé peu avant 8h ce matin dans une voiture noire dont les vitres étaient bien évidemment teintées. Photographes et journalistes étaient nombreux à l'attendre dans le parking de la Direction centrale de la police judiciaire à Nanterre (DCPJ), dans la banlieue ouest de Paris, non loin de son ancien fief de Neuilly-sur-Seine. Cette mise en garde à vue est une mesure pour le moins... spectaculaire. L'ex-président était arrivé le vendredi 27 juin sur son lieu de vacances habituel au cap Nègre avec son épouse Carla Bruni-Sarkozy et leur fille Giulia. Il est donc rentré en urgence pour se présenter ce matin à Nanterre.
Les enquêteurs cherchent à établir si l'ancien chef de l'État a tenté d'obtenir des informations auprès d'un magistrat de haut rang, Gilbert Azibert, sur une décision de justice le concernant, en échange de la promesse d'un poste de prestige à Monaco. La cour de Cassation devait se prononcer sur la saisie de ses agendas présidentiels, à laquelle Nicolas Sarkozy s'opposait. Ces agendas étaient susceptibles d'intéresser les juges enquêtant sur d'autres dossiers, notamment l'affaire de l'arbitrage Tapie.
Dans cette affaire, l'époux de la chanteuse, qu'il a soutenue à travers le monde, n'est pas seul : son avocat historique Me Thierry Herzog est aussi en garde à vue depuis lundi 30 juin, ainsi que deux hauts magistrats, Gilbert Azibert et Patrick Sassoust. Tous ont donc passé la nuit dans les geôles de la DCPJ à Nanterre. L'objectif des enquêteurs étant de confronter les versions des quatre hommes.
Le dossier Sarkozy ne se limite pas à ces soupçons de trafic d'influence. Il aurait été informé de manière illicite de son placement sur écoute par des juges enquêtant sur les accusations, pour l'heure non étayées, d'un financement par la Libye de Mouammar Kadhafi de sa campagne électorale victorieuse de 2007. De plus, le parquet de Paris a confié à des juges financiers une enquête pour "faux et usage de faux", "abus de confiance" et "tentative d'escroquerie", cette fois sur le financement de la campagne de 2012 de Nicolas Sarkozy. Ses meetings semblent avoir été en grande partie financés par l'UMP afin de masquer un dépassement du plafond autorisé. Nicolas Sarkozy et son entourage démentent avec force avoir été au courant de ce financement ainsi que tout lien avec l'affaire Bygmalion qui ne cesse de rebondir.
Réactions
Stéphane Le Foll, le porte-parole du gouvernement, a commenté à chaud l'arrivée de Nicolas Sarkozy à la PJ de Nanterre, indique l'AFP : "La justice enquête, elle doit aller jusqu'au bout, Nicolas Sarkozy est un justiciable comme les autres." Interrogé sur les accusations, à droite, d'une instrumentalisation politique des procédures judiciaires pour faire du tort à Nicolas Sarkozy, Stéphane Le Foll les a rejetées, soulignant que "ceux qui font ça" veulent "essayer de donner l'impression que c'est ailleurs que ça se passe".
Les réactions n'ont en effet pas tardé à droite. Pour Valérie Debord, déléguée générale adjointe de l'UMP, il s'agit d'un "acharnement" contre l'ancien président de la République (BFM TV). Une opinion partagée sur Twitter par le maire de Nice, Christian Estrosi : "Je pense à mon ami @NicolasSarkozy ! Jamais on aura affublé un ancien président d'un tel traitement, d'un tel déferlement de haine. #justice." Rama Yade, vice-présidente de l'UDI et ancienne ministre de Nicolas Sarkozy, a déclaré sur France Info : "Un homme, fût-il président de la République, peut se défendre et la justice travailler." Silence assourdissant pour le moment du trio Juppé, Fillon et Raffarin, nouvellement nommé à la tête de l'UMP en remplacement de Jean-François Copé...
Julien Dray, vice-président (PS) de la région Ile-de-France, estime que "le fait d'être entendu n'est pas une preuve de culpabilité, c'est pour lui l'occasion de s'expliquer sur le fond du dossier" (Europe 1). De son côté, Jean-Vincent Placé, le président du groupe écologiste au Sénat a déclaré sur LCI : "Il n'y a pas d'acharnement du gouvernement. (...) Je suis pour l'indépendance de la magistrature, je suis pour l'indépendance judiciaire et (...) le secret de l'instruction." La députée EELV Cécile Duflot a utilisé Twitter pour exprimer sa réaction : "Vertigineux qd on y réfléchit RT @jul_mm: Nicolas Sarkozy vient d'être placé en garde à vue dans une affaire de trafic d'influence présumé."Rappelons que Nicolas Sarkozy est présumé innocent jusqu'au jugement définitif de l'affaire.